LOF : 2011 - 2012 5ème année

Vous retrouverez toutes les photos et le récit complet sur le Blog de René et Michèle.

La lettre de LOF

 

5e année n°16 – 30 juillet 2012

Après avoir dit au revoir à Luc qui pense rentrer directement à Canet-en Roussillon, après avoir aussi fait le plein de gazole, nous avons quitté lundi en fin de matinée la marina du Real Club Nautico Valencia où nous avons été très bien accueillis, avec les tarifs les plus bas que nous ayions rencontrés, le seul problème étant la situation de cette marina très loin de tout. Le vent du sud que les fichiers Grib nous promettaient tarde un peu à venir et nous tirons quelques bords devant le port de commerce avant que le vent de nord-est ne tourne progressivement au sud-sud-est et nous permette d'avancer à la voile tout l'après-midi, avec ALEX-MARIE qui nous suit comme notre ombre. Malheureusement dans la soirée le vent tombe et LOF, au moteur, sera balloté par la houle pendant une bonne partie de la nuit. Au matin, Luc est devant à quelques milles, nous l'entendons à la radio, mais ne le voyons plus. Il nous annonce qu'il s'arrêtera lui aussi à Palamos, avant le cap Creus. Nous passons la plateforme pétrolière « Casablanca » au large de Tarragona à 11 heures. Nous avons navigué au moteur 19 heures pour les dernières 24 heures. Décidément la Méditerranée n'est pas favorable aux voiliers, c'était déjà le cas il y a cinq ans, lorsque LOF longeait les côtes d'Afrique du Nord.

A la tombée de la nuit nous sommes en face de Barcelona. Le vent monte un moment à 17 noeuds, alors que nous croisons la route des cargos et des nombreux paquebots qui quittent à cette heure la capitale catalane, puis au fur et à mesure que les lumières de la grande agglomération s'allument, il retombe lentement pour mourir vers une heure et demie du matin. C'est au moteur que nous arrivons à Palamos où l'on me confirme qu'il n'y aura guère de vent pendant les trois prochains jours sur le golfe du Lion. Après avoir acheté du pain, fait le plein de gazole et pris un petit déjeuner avec du pain frais, nous repartons pour notre dernière étape ou demi-étape car l'arrêt à Palamos a duré moins de deux heures. Nous admirons l'un des plus jolis coins de la Costa Brava parcouru par de nombreuses vedettes et quelques voiliers, puis rapidement nous nous retrouvons seuls sur l'eau, enfin pas tout à fait car une colonie de mouettes est posée sur la mer sur plus d'un mille. Un dernier contact radio avec Luc qui a été notre agréable compagnon de voyage depuis Horta et qui rentre au Canet-en-Roussillon, où il sera dès ce soir, tandis qu'il nous reste une dernière nuit à passer en mer.

Tandis que le GPS égrène les derniers 100 milles de ce voyage de cinq ans qui en aura compté environ 20 000, je pense à ce que va être le retour à terre, à retrouver la routine quotidienne, sans la perspective d'un nouveau départ avec notre compagnon qui certes a été capricieux, mais qui nous a permis de vivre une belle aventure avec des rencontres comme on n'en fait que sur les bateaux. Bien sûr on nous propose déjà d'autres embarquements, sans les soucis du propriétaire, mais déjà je ne suis plus très sûr de vouloir vendre mon fidèle compagnon de voyage, eh oui, malgré tout, fidèle "ce vieux LOF" comme l'a appelé plus d'une fois Olivier, l'un des "Copains d'abord" chez qui nous faisions chaque année une fête de retour. Il va falloir donner un peu de temps au temps, pour bien peser les décisions à prendre. Déjà je pense à tout ce qu'il faudra faire pour réparer ce qui n'a pas tenu, améliorer ce qui peut l'être, pour que je puisse encore être fier de Toi, mon vieux camarade, Toi qui a si bien su résister dans les coups de chien qui nous sont tombés dessus et qui nous a toujours ramenés au port. Et cette dernière traversée de l'Atlantique qui s'achève demain à Martigues, lorsque ton presse-étoupe laissait entrer l'eau de mer qui te pourrissait les entrailles, lorsque tes hublots fatigués laissaient aussi passer l'écume qui salait tout à l'intérieur, lorsque le ciel était désespérément triste au-dessus de nous pendant des jours et des jours et que la mer faisait le dos rond, de cette dernière grande navigation, j'en serai pourtant fier. A certains moments oui, j'ai douté, mes équipiers ont dû subir mon humeur maussade et m'ont supporté, mais depuis quelques jours je me reprends à chanter seul pendant mes quarts. Je suis cependant content de rentrer après sept mois d'absence dont six mois de mer, content de retrouver Michèle qui n'a pas pu partager cette dernière partie de l'aventure, mes filles et mes petites filles que je n'ai pas assez vues depuis cinq ans, les copains et les copines aussi bien sûr. Michèle qui lorsqu'elle lira ces lignes va se dire que LOF n'aurait pas du rentrer cette année, que nous aurions pu profiter encore des hivers tropicaux, avec les eaux turquoises et leurs poissons multicolores. C'est difficile de rentrer, de se dire que c'est terminé. Mais est-ce bien terminé ? Je veux penser que nous trouverons ensemble une autre aventure peut-être encore plus belle... et les amis que nous avons connus pendant tout ce temps, ils ne seront pas perdus non plus. Nous aurons tellement de souvenirs à partager avec eux que j'ai déjà envie d'aller les voir, tous.

Dernier quart de nuit, de nuit étoilée, sans lune et avec très peu de vent. Comme Didier tout à l'heure, parce que le vent justement a tourné et que LOF se retrouve au près, j'essaie d'avancer à la voile, mais rien à faire, c'est bien la pétole annoncée. Et puis, nous avons tous hâte d'arriver, alors que les lueurs de la côte française pourtant à près de cinquante milles, éclaircissent déjà la nuit devant notre étrave. Le compte-tours du moteur qui donnait depuis hier matin des indications fluctuantes et maintenant l'oramètre du moteur ne fonctionnent plus. Heureusement, l'alternateur charge toujours, ce qui est l'essentiel. Plusieurs cargos nous dépassent à l'horizon, sur notre tribord. Pendant la journée, nous ne les voyons pas, mais la nuit leurs feux de navigation nous les signalent. Pas de radar, ni d'AIS à bord de LOF, j'ai tendance à penser qu'à la condition d'une bonne veille optique, on angoisse moins en n'ayant pas conscience d'être entourés de ces monstres d'acier. Il reste moins de 50 milles et je vais "laisser le soin" à Daniel.

Lorsque Didier m'appelle, vers huit heures, LOF navigue, toujours au moteur, dans une brume épaisse. On n'y voit pas à 50 mètres. Nous descendons la grand'voile qui bat car le vent n'est pas assez fort et trop en face de nous pour la faire porter. Avec aussi peu de visibilité, il faut veiller attentivement, je sors même la corne de brume, ce qui amuse mes deux équipiers, mais heureusement les cargos qui vont à Fos-sur-Mer doivent emprunter un rail situé plus à l'est. Ne surgiront de la brume que quelques pêcheurs-plaisanciers et deux voiliers. Peu avant onze heures, j'aperçois la côte de Camargue pendant une éclaircie, mais la brume reste dense. Dans le golfe de Fos, nous passons derrière les cargos au mouillage puis nous nous dirigeons au GPS en aveugles d'une balise à l'autre vers l'entrée de Port-de-Bouc dont nous ne verrons pas la tour de contrôle, avant de longer sur notre droite le port pétrolier de Lavéra. Enfin, lorsque nous embouquons le canal de Caronte, la brume cède et nous retrouvons soleil et chaleur. Les friches industrielles ont été nettoyées depuis mon dernier passage. Entre le pont tournant du chemin de fer et le viaduc autoroutier, je repère l'entrée de Port Maritima avant d'aller amarrer LOF au ponton d'accueil de Ferrières devant l'Hôtel de Ville. Nous sommes à Martigues, le voyage cette fois est terminé ou presque. Il est deux heures. L'après-midi tandis que Daniel et Didier vont à la gare SNCF, je vais signer mon contrat à Port Maritima où l'accueil est sympathique. Demain LOF sera gruté et il ne restera plus qu'à le nettoyer, le désarmer et donner à réparer ce qui doit l'être, ce qui prendra sans doute pas mal de temps. Le soir nous allons dîner tous les trois dans un restaurant du Miroir aux Oiseaux pour fêter la fin du voyage. Cela fait plus de dix semaines que Didier et moi avons quitté La Havane.

Vendredi matin, bien que nous n'ayons pas de rendez-vous, LOF profite d'un créneau et sort de l'eau en troisième position. A neuf heures et demie il est déjà calé sur son ber : ici, les grutiers sont rapides ! Nous profitons de l'absence de vent pour hisser et rincer la grand voile avant de la dégréer sèche pour la ranger et aussi pour laver le pont de son sel. Il faudra encore retirer le bimini qui a souffert dans les coups de vent pour que le Mistral annoncé pour cet après-midi ne l'achève pas. Il est temps de préparer nos sacs car nous prenons le train peu avant cinq heures, pour rentrer chez nous et retrouver nos femmes qui attendent leurs marins, après plus de deux mois et demi d'absence pour Didier et moi. Nous reviendrons à Martigues, Daniel et moi, en milieu de semaine avec les voitures pour vider le bateau de tout le matériel embarqué depuis 2007.

Ainsi se termine cette aventure de plus de cinq années. Les moments difficiles seront vite oubliés ou magnifiés. Resteront les souvenirs des joies, des vingt-cinq pays que nous aurons visités, sans compter les départements français d'outremer, sans compter double ou triple les pays que nous avons atteints plusieurs fois, le Portugal, avec Madère et les Açores, l'Espagne avec les Canaries ou Cuba où nous sommes allés deux fois. Demeureront surtout les rencontres humaines dont ces années ont été tellement riches que nous voulons les prolonger. Il me reste à remercier Michèle qui a supporté mes moments de déprime lorsque tout semblait aller mal, et tous ceux qui nous ont aidés, nos familles bien sûr qui ont supporté notre absence, Les Copains d'Abord, sans lesquels le bateau n'aurait jamais été prêt, ceux qui, plaisanciers amis ou professionnels, nous ont aidés en route, tous ceux qui ont suivi notre voyage et nous ont soutenus en nous écrivant de petits ou de longs messages qui en même temps qu'ils nous reliaient à la terre nous faisaient apprécier encore davantage les moments que nous vivions. 

 

5e année n°15 – 16 juillet 2012

La meteo, les Grib files que nous donne Sailmail, nous annoncaient un renforcement du vent a l'approche du Cap Saint-Vincent. Samedi avant la nuit, nous avions deja pris le second ris et mis a poste la bosse pour le troisieme. Dimanche apres-midi nous greons la trinquette plus petite a la place du genois comme voile d'avant. Le vent commence a monter et la mer a se former. Dans la nuit de dimanche a lundi, le vent monte a 6 Beaufort et la mer se creuse de plus en plus. Nous maintenons des moyennes quotidiennes de plus de 100 milles, souvent plus de 120 milles depuis les Acores. Encore 105 milles aujourd'hui sous voilure reduite. Je veux verifier que LOF pourra virer ainsi toile dans des vagues de 4 metres lorsque, la nuit prochaine, nous serons dans le rail des cargos du Cap Saint-Vincent. J'envoie le virement et la trinquette se dechire... Mieux vaut maintenant que devant un cargo, dis-je pour me consoler. Nous remplacons la trinquette par le tourmentin, encore plus petit et nous constatons que LOF prend mieux les vagues, les vagues qui plusieurs fois nous surprennent et noient le cockpit et meme penetrent dans le bateau. Je constaterai a l'arrivee que le modem Sailmail en a malheureusement eu sa part. La nuit vient alors que nous arrivons sur le rail ou les cargos sont prioritaires. Je veille en meme temps que Didier dont c'est le quart. Daniel qui ne veut pas rater ca s'installe a la table a cartes et nous indique a chaque instant ou nous sommes. En fait nous ne verrons qu'une demi-douzaine de cargos en quatre heures et un seul nous obligera a abattre pour passer derriere lui. De plus c'est la pleine lune, le ciel est clair et donc la visibilite excellente. A deux heures nous avons franchi les rails et nous allons sur le cap Saint-Vincent encore distant d'une quinzaine de milles. Mais le vent commence a faiblir et a cinq heures et demie, je suis reveille par le bruit des voiles qui battent. Il n'y a plus rien, me dit Daniel. C'est surtout que nous portons toujours le tourmentin et trois ris. Finalement le vent revient un peu et nous amene au large de Lagos ou a huit heures, nous mettons au moteur pour les derniers milles.

La marina de Lagos est luxueuse, ses tarifs aussi : trois fois ceux des Acores ! Mais nous sommes heureux de trouver ses douches chaudes et son abri. Nous mettons a secher ce qui a pris l'eau pendant ces deux derniers jours. La couchette de Didier a recu une vague entree par la descente et le modem de Sailmail qui en a eu sa part n'a pas apprecie : il fonctionne a nouveau un moment, puis tombe en panne. Il faudra l'exposer au soleil pour qu'il accepte a nouveau de fonctionner ce soir. Mais tiendra-t-il la distance ? Apres notre derniere nuit presque blanche, nous retrouvons avec bonheur nos couchettes stabilisees. Mercredi matin, le vent qui a repris en milieu de journee est toujours assez fort, autour de 20 noeuds. J'hesite a partir, d'autant que nous captons un message de Luc qui a passe une nuit blanche sous trinquette et trois ris avant de se refugier a Barbate. Son bateau a cependant deux metres de plus que LOF, il est vrai aussi qu'il navigue en solitaire. Nous faisons les vidanges du moteur et de l'inverseur, un peu de menage, un peu d'ordinateur ou de lessive pour certains. L'apres-midi, nous allons faire une visite rapide de Lagos, la ville des premiers decouvreurs portugais du quinzieme siecle et nous nous preparerons a partir jeudi matin, si le vent quoique favorable veut bien baisser un peu, il est a 23 noeuds dans le port a trois heures de l'apres-midi, afin d'arriver de jour a La Linea de la Concepcion dans la baie d'Algesiras, apres le detroit, en Mediterranee. Le soir nous allons nous regaler de tapas, pousse-pieds nous dit Daniel qui n'y goute pas, salade de morue aux pois chiches, autre salade de fruits de mer, cette fois Daniel goute et apprecie, jambon cru pour Daniel, fromage et flan fait par la patronne, arrose de biere pression blonde ou noire, a la Cervejeria Ferradura reperee l'apres-midi, rua 1° de Mayo, un peu a l'ecart de la zone touristique, seuls etrangers au milieu des habitues portugais.

Le lendemain matin, toujours un peu moins tot que prevu, nous reprenons la mer sous un ciel parfaitement bleu. Le vent est un peu faible au depart, il faudra se dehaler au moteur, mais il nous tirera toute la journee et la nuit, jusqu'a l'approche du detroit ou il faudra faire appel a la brise Lombardini pendant quelques heures pour eviter de passer une seconde nuit en mer. Puis dans le detroit, a l'approche de l'ile de Tarifa, le vent reprend et monte rapidement. Avec le courant favorable que j'estime a deux noeuds, c'est en boulet de canon, sous genois seul que nous deboulons dans la baie d'Algesiras ou nous slalomons entre les cargos, certains a l'ancre, d'autres qui font route, et les nombreux ferries vers la digue de la nouvelle marina Alcaidesa de Linea de la Concepcion ou nous sommes accueillis par Angel, un marseillais tres convivial qui est en charge de la securite lorsque l'accueil est ferme, ce qui est le cas a huit heures du soir heure locale, car en arrivant nous avancons pour la derniere fois nos montres d'une heure. Accueil sympathique, y compris le lendemain a l'officina, tarifs doux, installations impeccables. Luc qui nous attendait vient a notre rencontre et nous offre l'aperitif a bord d'ALEX MARIE avant que nous allions deguster quelques tapas a La Goletta, un bar tenu par Michel et Muriel un couple de Francais de Lorraine, venus s'installer au soleil il y a vingt ans, Michel qui, avant que nous ne regagnons nos bateaux nous offre de belles rasades de Calvados qui nous laisseront un peu mal aux cheveux le lendemain matin. Luc s'en va, nous nous donnons rendez-vous a Almerimar et nous allons nous balader a Gibraltar, en passant la frontiere, juste avant de traverser la piste de l'aeroport qui coupe totalement la presqu'ile au pied du celebre rocher. Nous n'assisterons pas au decollage ou a l'atterrissage d'un avion, qui lorsqu'ils se produisent, font fermer l'unique route de communication entre Gibraltar et l'Espagne. Malheureusement nous sommes samedi apres-midi et Main Street n'a pas son anmation habituelle. Tout est ferme ou presque, mais nous croisons plusieurs mariages, avec des femmes, voire des enfants dans des tenues incroyables, tres colorees, brillantes, bref visibles. Didier et Daniel qui n'y sont jamais montes prennent le "cable car" pour se hisser au sommet du rocher, tandis que je vais me balader dans le quartier construit a la place de la marina Sheppard's ou j'avais mes habitudes. Pas la peine de chercher un reparateur pour le modem, tout est ferme, aussi bien a Gibraltar qu'a La Linea. Seul le supermarche est ouvert et j'en profite pour faire quelques courses alimentaires.

Nous quittons la marina Alcaidesa en fin de matinee. Nous passons a la station service de Gibraltar pour completer le plein de gazole a un tarif meilleur marche qu'en Espagne, mais beaucoup moins detaxe qu'auparavant, avant de nous elancer a la voile dans la baie pour aller tourner Europa Point et prendre la direction d'Almerimar dans la mer d'Alboran. Ou l'on s'apercoit que les fichiers Grib, tres valables pour une traversee oceanique sont peu fiables dans une mer fermee et etroite. De trois ris vent arriere au moteur vent de face, nous rencontrons en quelques heures des conditions meteo aussi diverses qu'imprevues. Lundi a midi, je prepare une "Feijoada Brasileira", un peu adaptee aux moyens du bord. "Ca bourre un peu, mais c'est bon", disent mes deux equipiers. Forcement : haricots noirs, riz blanc et farine de manioc ! Le vent, de face est tombe a force 1, nous avancons au moteur ; la cote sur notre gauche, couverte de serres agricoles est aussi de plus en plus noyee dans la brume de chaleur. Enfin voici Almerimar ou nous retrouvons Luc et ALEX MARIE, arrives la veille, ayant effectue toute la route au moteur. Nous passons encore une belle soiree ensemble, agrementee par une excellente connection Wifi qui nous permet de dialoguer avec nos familles. Je me rejouis d'une bonne liaison video avec Michele et son amie Anne-Marie. Une tres bonne glace sur le port termine agreablement la soiree.

Mardi, nous quittons Almerimar, toujours en compagnie d'ALEX MARIE. La journee est un peu longue pour atteindre le Cabo de Gata a la voile avec un vent faible. Puis la nuit est de meme tonalite. Nous mettons meme le moteur un moment, puis pour finir afin d'arriver de bonne heure a Cartagene vers laquelle nous nous sommes deroutes apres que le vent nous ait laches a quatre heures. A Cartagene, nous passons deux nuits, car le vent d'est n'est pas favorable pour continuer notre route. Pour les prochains jours, c'est ou pas assez de vent ou du vent de nord-est fort. Nous essaierons demain d'aller jusqu'a Denia, apres les cabos de la Nao et de San Antonio, a l'entree du golfe de Valence. A bord, le moral, le mien du moins, est un peu affecte car cette fin de croisiere qui se prolonge. Ce soir nous sortons avec Luc pour manger quelques tapas a une terrasse.

Nous sommes arrives a Valence le 14 juillet, apres deux jours et une nuit de navigation. Nous sommes donc alles pres de 50 milles plus loin que Denia. L'immense marina du Real Club Nautico est situee au sud du port de commerce, a plus de 10 km du centre ville. Comme nous sommes le week-end, tout doit etre ferme, nous n'irons pas visiter une nouvelle ville morte. Nous irons seulement a pied l'apres-midi jusqu'a Pinedo, une station balneaire situee juste au sud de la marina que l'on atteint par un parcours accidente entre les bretelles de voies rapides ou rien n'est prevu pour les pietons. Petite ville sans grands immeubles ou nous trouverons un epicier indien ouvert et une panaderia qui n'a plus que du pain a l'huile, mais des gateaux et des glaces qui rejouissent Luc et Didier. Au retour l'examen des fichiers meteo semble nous ouvrir la route pour Barcelone d'abord, puis pour Martigues a partir de mercredi ou jeudi. Luc de son cote est bien decide a essayer de passer directement jusqu'au Canet. C'est donc notre derniere soiree ensemble et il nous invite pour un aperitif sur ALEX-MARIE, en compagnie de Joachim, un architecte espagnol qui n'a plus la foi dans son metier et qui part sur le bateau qu'il a construit. Une rencontre passionnante ou Joachim nous explique tres simplement son impossibilite a continuer a travailler en Espagne ou on a vendu tout le littoral ou poussaient les amandiers, souvent avec la complicite des maires, a des gens qui sont alles placer leur argent aux iles Caymans. Et maintenant beaucoup de ces logements sont vides, les gens ne peuvent plus payer les loyers,tandis que les beaux paysages du Murcien sont defigures. Joachim qui nous prend pour de grands navigateurs, nous pose aussi beaucoup de questions sur le voyage hauturier, lui qui part pour les Baleares, la Sardaigne, la Sicile puis la Grece.

Demain nous larguons les amarres vers le nord, vers Barcelone, vers Martigues.

5e année – n° 14 - 2 juillet 2012

LOF est toujours dans la marina de Ponta Delgada, ce mardi 18 juin. On s'habitue peu a peu a la pluie, meme si les Acoriens nous disent que ce n'est pas un temps de juin, mais de novembre, decembre ou janvier. C'est du moins ce que m'a dit Emanuel, cette fois je l'ecris en portugais, ce matin, lorsque revetu de mon vieux cire Plastimo, j'allais a sa rencontre sous une pluie qui une fois de plus nous cachait l'extremite de la jetee. Il n'est revenu que ce matin, peu avant onze heures car pour hier il semble que nous ne nous etions pas compris. Il a trouve : le claquement de la bobine est du a un second relais que nous allons remplacer par un interrupteur jeudi matin, en meme temps que nous sortirons LOF pour changer enfin le presse-etoupe qui hier fuyait vraiment beaucoup et qui en navigation arrose le moteur d'eau salee, ce qui n'est bon ni pour le moteur, ni pour les cables electriques, ni pour le bateau en general. Comme la meteo n'est pas favorable ces jours-ci pour notre navigation vers le detroit de Gibraltar, je prefere resoudre ici les problemes restes en suspens a Cuba.

Apres une journee de detente mercredi, pas de travaux mais balade en ville, visite du fort Saõ Bras pour ceux qui aiment, courses sympathiques au marche municipal ou les prix des fruits des legumes et meme de la viande nous ravissent, autres achats a l'hipermercado Continente ou nous nous perdons un peu dans les immenses rayons qui ressemblent beaucoup aux hypers de chez nous. Le temps, maussade en debut de journee s'est ameliore rapidement et on peut presque dire qu'il a fait beau. Il fait encore beau jeudi matin lorsque LOF quitte son poste pour aller a la rencontre du Travelift qui doit le sortir de l'eau pour qu'Emanuel puisse changer le presse-etoupe. Le demontage de l'ancien n'ira pas de soi : la fixation du tourteau sur l'arbre est soudee par l'oxydation et comme de plus Emanuel ne possede pas de cle a griffes, on frole la catastrophe : couper la piece ou sortir le moteur, tel etait le choix lorsqu'enfin la piece s'est degrippee. Le remontage ne sera qu'une affaire presque simple, lorsqu'Emanuel aura rapporte les pieces nettoyees et a cinq heures LOF retourne a l'eau et a son poste. Entre-temps, Luc et son ALEX-MARIE sont arrives et il nous invite a son bord ou nous passons une belle soiree, malgre la pluie qui a repris pour la nuit et meme se prolonge le matin. Vendredi, alors que nous rendons son invitation a Luc, arrivent d'abord OCEANA 1 des Quebecois Luc et Aline, puis AZUR de Francoise et Alain qui ont eu une nuit difficile pour venir de Terceira avec des 30 noeuds de vent. Le temps n'est pas franchement au beau et Luc (ALEX-MARIE) et moi pensons qu'il faut attendre mardi 26 pour avoir une meteo correcte.

Samedi matin pourtant, il fait tres beau sur Ponta Delgada. Didier et moi sortons les planchers du bateau pour les dessaler. Daniel les lave sur le ponton, tandis que nous dessalons et degraissons les fonds et le puisard ou nous retrouvons de la boue constituee avec le sable du sablage d'il y a cinq ans. Belle corvee que Didier accomplit avec determination. Puis apres un temps de repos Didier va chercher une voiture de location et nous entraine vers le Lagoa do Fogo. Mais s'il fait beau sur la marina, nuages et brouillard restent accroches a la montagne et nous n'apercevrons meme pas le lac. Il faudra nous contenter de la Caldeira Velha un peu plus loin et un peu plus bas ou un cascade d'eau chaude tombe dans un bassin amenage ou les Acoriens viennent nombreux se tremper. Nous rentrons. Luc et Didier m'entrainent pour assister a l'elimination par l'Espagne de l'equipe de France de la coupe d'Europe des Nations en football. Pas de commentaire, le foot c'est pas mon truc. Le lendemain, nous repartons en voiture avec Luc vers Furnas, puis Vila Franca do Campo qui fut la premiere capitale des Acores, jolie petite ville qui a conserve beaucoup de son charme et qui est toute decoree pour une grande fete que malheureusement nous ne verrons pas. Nous nous dirigeons ensuite vers la cote Nord, Nordeste, ou nous dejeunons copieusement. Les portions servies dans les restaurants acoriens font bien deux fois celles des tables francaises, mais nous mangeons tout. Ce soir on fera leger. Nous allons ensuite a Ribeira Grande, egalement une jolie petite ville ou nous retrouvons le soleil. Les paysages des Acores sont toujours aussi beaux, tres verts, tres propres ; les maisons traditionnelles en lave noire avec des joints de ciment blanc sont ravissantes. La cote nord de Sao Miguel, moins construite et plus decoupee que la cote sud, nous ravit.

Notre derniere journee a Ponta Delgada est consacree aux courses d'avant le depart que nous faisons avec Luc, puis nous passons la soiree sur ALEX-MARIE ou nous mangeons les crevettes qu'il a preparees. Il pleut doucement toute la nuit et mardi matin le ciel est couvert et le vent nul lorsque nous larguons les amarres de LOF, il est 8.50 TU, pour longer au moteur la cote sud de l'ile. Cette premiere journee, en grande partie a longer l'ile de Sao Miguel, nous a permis de nous degager peu a peu des nuages qui s'accrochent aux sommets des Acores. Le vent n'a tenu que trois heures l'apres-midi, le reste au moteur.

J'ai envie de vous raconter ma journee de mercredi sur LOF. C'est une vraie journee de 24 heures, puisque le bateau ne s'arretera qu'a la prochaine escale. Minuit. La nuit est claire. Nous serons demain au premier quartier de lune,. Mon horloge biologique vient de me reveiller, il est l'heure de prendre mon quart. Je m'habille un peu chaudement car les nuits sont fraiches, je regle mon telephone pour qu'il me rappelle tous les quarts d'heure. Je fais un tour d'horizon dans le cockpit : une lumiere en vue sur l'arriere, sans doute un cargo a surveiller. Le vent s'est enfin leve et avec Didier qui termine son quart, nous pouvons etablir la voilure. Les voiles reglees, je redescends a la table a cartes pour verifier avec les instruments que la route est bonne. Tout va bien, je peux m'allonger quelques minutes sur la banquette de quart, mon telephone dans la main. Cette nuit est tranquille : le vent est faible mais assez regulier, peu de reglages, pas de manoeuvres et aucun cargo ne sera apercu, seulement un voilier derriere nous dont le feu nous suivra toute la nuit. Toutes les trois heures, l'homme de quart ecrit sur le livre de bord les elements de la marche du bateau. A trois heures, je passe "le soin" a Daniel, c'est lui qui assurera le quart jusqu'au lever du jour. Je vais dormir, jusqu'a huit heures et demie, si je ne suis pas appele avant pour manoeuvrer. A ce moment, nous nous retrouvons tous les trois pour le petit dejeuner. Les quarts se poursuivent pendant la journee, ainsi chacun sait quand c'est a lui de veiller. Ce matin il fait beau, le vent est arriere, 12 noeuds, c'est une allure "spiable". Je propose d'envoyer le spi. Comme mes equipiers ne l'ont jamais fait, il faut bien expliquer cette manoeuvre un peu delicate, ce sera un peu long, mais a la fin la bulle jaune, bleue et blanche se deploie a l'avant du bateau qui accelere tout en etant stabilise. Il faut noter la position a 12.00 TU que je reporte sur la carte "Route du Rhum" du SHOM (Service Hydrographique et Oceanographique de la Marine, service public partiellement privatise par Sarkozy) et bien sur sur le livre de bord. Je peux preparer le repas de midi avec l'aide de Didier : salade verte, cote de boeuf et petits legumes cuits a l'eau, fromage des Acores, banane. Apres le repas tandis que Daniel fait la vaisselle et que Didier assure la veille, je m'accorde une petite sieste. A quatre heures, je reprends le quart. Un grain survient inopinement. Rien de bien mechant, mais nous rentrons le spi par prudence. La manoeuvre ne s'effectue pas sans un cafouillage qui fait chaluter un instant notre voile, mais heureusement tout se termine bien. Le bateau continue sous grand voile et genois tangone sous un ciel qui s'est couvert. Nous parlons avec Luc par VHF. Il a maintenant pres de trente milles d'avance sur nous. Nous nous souhaitons mutuellement bon appetit et bonne nuit. Le vent ayant tourne legerement au nord-ouest, le genois tangone ne porte plus : il faut retirer le tangon et c'est Didier qui s'y colle. Le repas du soir sera leger : soupe chinoise enrichie du reste des legumes de midi. Daniel qui s'est decouvert une vocation de pecheur bredouille remonte les lignes pour la nuit. Puis je vais me coucher. Didier prend le quart de neuf heures apres que nous ayons pris le premier ris pour la nuit : le ciel est couvert et un peu menacant. Il tombera seulement quelques gouttes. A minuit, ce sera mon tour d'assurer le soin . Nous aurons couvert 120 milles pendant ces vingt-quatre heures, soit une moyenne de cinq noeuds.

Les heures, les quarts, les jours s'ecoulent. Chacun a pris ses marques. Cette navigation se deroule sans difficultes, seules les sautes du vent nous obligent a manoeuvrer pour installer ou retirer le tangon du genois, selon que le vent est plus arriere ou plus travers. La prise d'une jolie bonite de 39 cm vendredi soir apporte un peu d'animation : c'est notre premiere prise depuis les Acores, Preparee au four, a la provencale, ce sera le coeur de notre repas de samedi. Un thon rouge est capture l'apres-midi qui sera transforme en rillettes, avant que le vent monte, avec des rafales a plus de vingt noeuds qui m'incitent a prendre le second ris pour la nuit et a mettre le troisieme a poste, car la bome de LOF n'a que deux bosses de ris, il faut donc liberer celle du premier pour pouvoir prendre le troisieme. Les fichiers Grib nous annoncent 25 noeuds a l'approche du continent. Mais ce n'etait qu'une alerte : la nuit sera tranquille et si LOF sous voilure reduite perd un peu de temps, son equipage beneficie d'une belle nuit eclairee par la lune. Notre etrave s'approche lentement du cap Saint Vincent, a la pointe sud-ouest du Portugal continental et du detroit de Gibraltar. Dimanche matin, il fait beau, le vent de nord-nord-est est favorable. Pas trop fort, pour l'instant il ne leve pas la mer. Encore un peu moins de deux jours pour le premier et quatre pour le second, si tout va bien.

A bientot pour d'autres nouvelles. N'oubliez pas non plus que nous sommes friands des votres qui se font rares. Je sais bien que cette annee la route de LOF est longue, mais si vous saviez comme nous sommes heureux de rcevoir vos messages, vous feriez un petit effort. Et puis il ne reste que deux Lettres et l'an prochain, il n'est pas certain que LOF reprenne la mer.

5e année – n° 13 - 18 juin 2012

J'ai retrouve Horta ce matin. A cinq heures, lorsque j'ai pris mon quart, il faisait encore nuit, je suis sorti dans le cockpit et j'ai tout de suite vu les lumieres de Faial devant le bateau a onze heures. Didier qui n'avait rien vu s'en est releve. Le vent faiblissait et il a fallu longtemps a "ce vieux LOF" pour glisser le long de la cote sud de l'ile tandis que le jour se levait, laissant Faial sous une epaisse couverture nuageuse qui masquait totalement Pico, l'ile voisine et son volcan de 2351 metres. Ce n'est qu'a dix heures passees que nous avons pu amarrer LOF devant l'accueil de la marina, a couple en cinquieme position. Et alors, le mythe d'Horta des bourlingueurs en prend un coup. D'autant que le port de commerce est plein de voiliers qui attendent une place. Alain qu'en penses-tu, toi qui il y a trente ans amarrais ton bateau au quai, il n'y avait pas de marina alors, avec deux autres plaisanciers ?

La navigation depuis Flores s'est faite en flotille, une douzaine de bateaux ayant profite de la fenetre meteo pour quitter Flores lundi matin. Route directe, un peu chahutee par les vagues du vent des jours precedents qui prenaient LOF par le travers a certains moments. Mardi, a peine etions-nous amarres au catway que l'equipage d'ID'HORTA venait s'inviter a l'aperitif de midi et nous inviter pour le soir. Apres quoi, nous nous laissions guider par Marc vers un restaurant de poissons. Tu vois Jean, a peine sommes nous arrives au port, les bonnes habitudes reprennent ! Mercredi, sous un rayon de soleil, nous accueillions a bord Daniel Coquard qui viendra avec nous jusqu'a Martigues et Isabelle, venue rejoindre son Didou pour quelques jours.

Malheureusement, le temps n'est pas avec nous. Le volcan de Pico en face d'Horta reste presqu'en permanence dans les nuages. Si jeudi apres-midi nous pouvons monter au monte Guia (145m), vendredi, nous renoncons a une sortie pour l'observation des baleines et des cetaces car on voit a peine le sommet des mats et pas du tout la jetee du port. C'est la meme situation samedi et l'avion qui amene Andre sur ID'HORTA, que Daniel Gerlic doit prendre pour rentrer, est detourne sur l'ile voisine de Pico. Heureusement le soir, nous passons une tres belle soiree chez Peter ou les equipages de ID'HORTA et de LOF dinent ensemble dans la bonne humeur. Dimanche enfin, le temps s'ameliore et nous pouvons faire le tour de l'ile et visiter le volcan Capelinhos ne de l'eruption de 1957/58 et la caldeira centrale de l'ile que nous admirons sous le soleil enfin de retour.

Nous avions decide de partir lundi, apres ce tour de Faial, mais lundi matin, a nouveau on ne voit pas la jetee du port, encore moins l'ile de Pico. Tout le monde me dit que sans radar je prends des risques. La place de LOF est encore libre aujourd'hui. Nous partirons donc demain avec AZUR d'Alain et Francoise et OCEANA 1 de Luc et Aline, nos gentils Quebecois de Montreal. Ils ont radar et AIS et nous resterons en liaison VHF. Bonne idee, puisque l'apres-midi, alors que nous sommes alles visiter le "museu de scrimshaw" chez Peter, je tombe sur Luc d'ALEX-MARIE, arrive cette nuit. Je l'invite aussitot a venir diner sur LOF ce soir. Avec Daniel, mon "chef mecanicien", nous isolons la bougie de prechauffage suspecte et la bobine ne claquerait plus. Nous verrons demain en navigation. Le presse-etoupe continue lui a fuir de plus belle, il faut bien que quelque chose cloche.

Nous avons passe une belle soiree avec Luc (ALEX-MARIE) sur LOF. C'est la magie de ces voyages, ces rencontres improbables au hasard de deux itineraires qui tout a coup se croisent. Tout a coup nous revivions Cuba il y a deux ans et tous les souvenirs remontaient a la surface. Les equipiers d'aujourd'hui nous ecoutaient poliment egrener nos aventures. Ce matin, nous avons quitte Horta, non sans reveiller Luc ; nous sommes partis avec AZUR et OCEANA 1. La bobine claque toujours. Le moteur a tourne pendant trois heures entre Horta et Velas et le bruit qui insupporte Daniel parce qu'il n'arrive pas a en deceler l'origine nous a accompagnes tout ce temps. L'accueil ici a ete particulierement chaleureux de la part du responsable de la marina qui nous a longuement explique tout ce qu'il faut voir sur son ile. Je ne l'avais pas encore ecrit, mais ca merite de l'etre et c'est assez rare, cette gentillesse et cette disponibilite que l'on rencontre partout aux Acores et dans chaque marina en particulier. En plus les tarifs sont tres doux : je paie dix euros par jour, electricite et eau comprises.

Mercredi matin, malgre le temps peu engageant, nous partons pour une randonnee pedestre, celle qu'il ne faut rater sous aucun pretexte, dit "Le Petit Fute". Comme il ne s'agit pas d'un circuit, l'auto-stop s'impose. Un premier automobiliste nous emmene dans sa grosse Beheme... a la station de taxis. Lorsque nous faisons comprendre que nous faisons de l'auto-stop, il nous conduit jusqu'a la station service dont il doit etre le patron, sur la route de Calheta ou s'arrete Roger, un Acorien emigre en Californie ou il a travaille dans la construction pendant trente trois ans. Il revient sur son ile natale quatre mois par an et il est arrive lundi, une chance pour nous. Il commence par nous dire qu'il ne va qu'a cinq minutes, mais il n'est pas presse et decide tres vite de nous emmener au debut de notre rando, presqu'au bout de l'ile. Il nous depose au depart de notre chemin a la Serra do Topo, qui commence par une longue descente vers la Faja da Caldeira do Santo Cristo. Le ciel s'est eclairci pour nous permettre d'admirer le magnifique paysage qui s'offre a nous dans cette descente vers la mer. Puis c'est l'eblouissement lorsque nous decouvrons le village. La faja c'est un terrain plat en bord de mer qui resulte de l'effondrement d'une falaise. Mais ici il y a en prime la caldeira qui est sous la mer, qui offre le decor et regorge de palourdes. L'eglise, les maisons tres fleuries comme le chemin sont pimpants. Les voitures ne peuvent pas acceder et nous ne rencontrerons que quelques quads sur la piste qui nous conduit ensuite vers la Faja dos Cubres ou nous nous restaurons apres plus de quatre heures de marche. Il nous reste a remonter vers Norte Pequeno d'ou un bus nous ramenera a Vilas en nous faisant retrouver la grisaille.

La traversee de Sao Jorge a Sao Miguel, 136 milles, s'est effectuee entierement a la voile, dans de bonnes conditions de temps et de vent en vingt-quatre heures. Le brouillard que nous avions laisse a Sao Jorge, nous l'avons retrouve intact avec la pluie en plus en arrivant a Ponta Delgada. La marina est grande nous le savions, elle est a moitie vide, nous le decouvrons. Nous arrivons tous fatigues. Samedi, je fais venir a bord Emmanuel pour essayer de resoudre le probleme de la bobine qui claque. En fin d'apres-midi nous allons visiter une exploitation ou on cultive l'ananas des Acores sous serres car la temperature des Acores ne permet pas de les cultiver en pleine terre. Ils sont excellents, mais couteux a produire et chers. L'Union Europeenne les subventionne a deux euros par kilo.

Dimanche nous partons pour une visite de l'ile en voiture de location. Nous allons a Furnas station thermale ou apres avoir vu et respire les emanations de gaz sulfureux, nous allons dejeuner dans le restaurant recommande par "Le Petit Fute" et par... Isabelle. Didier et moi prenons la specialite, le "cozido das Furnas", un plat cuit lentement pendant environ six heures dans des marmites enterrees dans le sol, profitant de la chaleur qui provient de l'activite volcanique. Les viandes, porc, boeuf, poulet et oreilles de porc, les legumes pommes de terre, patates douces, carottes, ignames, choux blanc et vert, le chorizo piquant et le boudin sont separes par des feuilles d'aluminium. C'est tres bon et ca m'a fait penser a la brouette de Gilbert a Glandage. Puis nous allons a l'ouest de l'ile vers Sete Ciudades et ses lacs vert et bleu. A la fin du tour du monde, en 1998, nous avions ete accueillis a l'ecole que je reconnais, mais qui est fermee car nous sommes dimanche. Puis nous tombons sur une Fete de Saint-Jean en pleine nature dans le brouillard. Les habitants nous accueillent et nous invitent a partager leurs agapes, ce que nous faisons bien volontiers. Mais il est temps de rentrer a Ponta Delgada ou nous trouvons enfin un rayon de soleil sur la marina. J'en profite pour faire une photo ! Demain, Emmanuel revient a onze heures : fini le tourisme, les soucis reprennent.

5e année – n°12 - 4 juin 2012

Apres le bouclage euphorique du numero 12 de La Lettre, les conditions de navigation se sont rapidement deteriorees : nous sommes entres dans une depression avec grains assez forts, vents avec rafales a pres de 40 noeuds, necessite d'amener la grand voile pour continuer sous genois seul, les vestes et les pantalons de quart trempes, la pluie qui entre par la descente a chaque fois qu'on ouvre, a l'interieur meme tout est mouille, tout poisse, alors qu'a l'exterieur la pluie lave le pont, le moral baisse, surtout lorsqu'a l'aube lundi le vent tourne d'abord au nord, puis a l'est et nous oblige a tirer des bords de louvoyage qui ne nous rapprochent guere des Acores. Nous naviguons la matinee de lundi sous grand voile a trois ris et trinquette, tantot sous la pluie, tantot sous un ciel tres bas, avec une mer croisee, resultat des sautes du vent. Pas la joie a bord. Puis l'apres-midi, la grisaille se dechire enfin, le soleil vient secher le bateau et son equipage, Didier et moi en profitons meme pour faire une toilette complete sur la plage arriere dans une eau a 18 degres ! Le vent est toujours faible de secteur est, nous n'avancons pas tres vite et surtout pas dans la bonne direction, mais la mer se calme et nous profitons d'une nuit ou nous pouvons bien dormir, chacun recupere. Moi surtout qui avais des frissons lundi en fin d'apres-midi, mais une bonne nuit et un peu de Doliprane me permettent de conjurer le mal. Au matin de mardi le vent passe peu a peu au sud-est et sur une mer calmee, malgre un vent faible, LOF avance bien sous le soleil et a peu pres vers notre but. Dans la nuit la cuisiniere a rompu son cardan de droite et nous sommes bien heureux que le bateau soit a peu pres stable pour effectuer la reparation. Chacun du coup s'occupe profitant de cet univers stabilise. Mes deux equipiers mettent a jour leur journal de traversee, nous faisons un peu de matelotage, Gilles parle des gateaux et du pain qu'il va nous faire, nous lisons...

Puis le vent tourne d'abord sud-sud-est, puis sud : nous pouvons reprendre la route directe. Du 22 au 23 mai nous faisons 138 milles et nous passons au matin sous la barre des mille milles restant a parcourir. Belle journee, malgre la rupture du cardan de gauche, cette fois, de la cuisiniere. Reparation en 28 minutes chrono ! mais en fin d'apres-midi, notre vitesse fond devient inferieure a notre vitesse surface. Le Gulf Stream nous a-t-il abandonnes ? ou pire a-t-il inverse sa course ? Malgre un renforcement du vent autour de 20 noeuds au largue, nous ne depassons guere les 4 noeuds de vitesse fond, alors que le speedo qui donne la vitesse sur l'eau en compte entre 6 et 7. Jeudi matin, le temps se couvre a nouveau... Journee maussade, mais profitable au plan de la route parcourue. Vendredi matin pendant un grain, le vent passe est-nord-est et nous nous retrouvons au pres sous 2 puis 3 ris trinquette, avec un soleil toujours cache derriere la couverture nuageuse. La nuit suivante enfin, le vent tourne a gauche, nous pouvons larguer le 3e ris, mais la journee reste mediocre au plan de la distance parcourue : 96 milles. Samedi le vent tourne encore et nous passons par toutes les allures de portant. A six heures le soir nous tangonons le genois, puis le vent monte a force 5 et nous vivons une nuit ou LOF surfe les vagues a la vitesse de 6/7 noeuds. Nous remontons nos copains de ID'HORTA qui, plus au sud, n'ont pas le meme vent que nous. La regate d'arrivee est lancee a moins de 500 milles du but, un peu plus de quatre jours. A bord, nous fetons pour la troisieme fois les trois fois vingt ans de Gilles, grace aux delicieuses petites boites qu'Helene a glisse dans son sac, plus un gateau aux pommes confectionne par lui-meme.

Lundi, le vent continue sa lente rotation a gauche avec un ciel le plus souvent degage. Pourtant, il ne fait pas chaud. Depuis la nuit de samedi a dimanche, le genois est tangonne, mais le vent monte dans l'apres-midi avec des grains qui passent. La mer devient forte. Dans la nuit de lundi a mardi nous continuons avec la grand voile seule. La journee de mardi est triste avec un ciel presque totalement couvert et une mer agitee. Le vent change cinq fois de direction, l'equipage est a la manoeuvre ! A la nuit, la pluie s'en mele, puis apres une nouvelle saute du vent, celui-ci fraichit nettement. Nous prenons le 3e ris, puis dans 40 noeuds, nous roulons le genois et amenons le bimini qui menacent tous deux de se dechirer. Le vent monte : 5, 6, 7, 8 avec la pluie et la mer qui devient tres forte. Au dela de 40 noeuds, le pilote ne gere plus et c'est Gilles qui s'y colle pendant une heure et demie, jusqu'a ce que l'anemometre se calme un peu. A l'interieur, c'est la zone : l'eau entre par la descente pourtant fermee, ma couchette a ete noyee ce matin peu avant 7.30 par une vague qui a reussi a franchir la boite a dorade situee sous le winch babord. Depuis 2.40 du matin, nous avons decide de nous derouter sur l'ile de Flores, la plus occidentale des Acores. Vers 11 heures sa masse sombre apparait sur l'horizon et vers 12.30 nous passons le brise-lames puis entrons dans la petite marina de Lages das Flores. LOF a bien resiste aux elements dechaines, le bateau et son equipage sont a l'abri.

Nous allons rester cinq nuits a Flores, une île que j'avais adoree en 1998. J'ai beaucoup de mal a reconnaitre le bourg de Lajes das Flores ou les constructions nouvelles toutes blanches ont supplante les maisons traditionnelles en pierres volcaniques noires jointoyees de ciment blanc. Le port lui-meme derriere son brise-lames qui etait presque neuf alors a recu des constructions nouvelles et une petite marina qui abrite une vingtaine de voiliers, alors que PAGAN, le voilier de Utz sur lequel j'avais fait cette transat, etait seul il y a quatorze ans amarre au brise-lames. Je retrouve Alain d'AZUR parti de Cuba quelques jours avant nous. Nous louons une voiture pour deux jours, afin de visiter l'île qui est toujours aussi seduisante, surtout sur sa cote ouest tres decoupee ou je retrouve le village de Fajã Grande tel qu'en mon souvenir. A Santa Cruz, nous dejeunons au restaurant "Baleia Ocidental" ou nous degustons un succulent "bacalao a casa", une morue preparee comme les Portugais savent la preparer, mais le musee baleinier qui etait en cours d'installation en 1998 est en cours de demenagement en 2012 et nous ne visitons que le musee ambiental installe dans l'ancienne usine baleiniere qui accueillera aussi le musee baleinier. Vendredi soir, nous repondons a l'invitation de la fete du Saint-Esprit et nous allons diner en haut de Lajes dans un lieu religieux ou Tiburcio, un flic qui essaie d'etre intelligent, c'est lui qui le dit, qui parle francais comme nous et qui a cuisine tout l'apres-midi plusieurs plats portugais ou acoriens, langue de boeuf fondante, jaret de cabri, pieds de vache aux pois chiches, nous explique cette fete de charite qui va nourrir "tous les freres" qui recevront gratuitement un paquet de viande de boeuf, on a sacifie six vaches pour cela, et pourront manger dimanche a midi une soupe a la viande offerte a tous ceux qui viendront a la fete, nous en serons !

Samedi matin nous accompagnons a l'aeroport Gilles qui nous quitte et va retrouver Helene et Lyon, puis Didier et moi continuons notre balade avec Alain d'AZUR sur la cote ouest de Flores.

Dimanche est notre dernier jour a Flores. C'est une journee tres active a preparer notre depart pour Faial : nettoyage t rangement du bateau, conserves pour la traversee des Acores vers Gibraltar, plein d'eau. Et puis nous retournons a la fete du Saint-Esprit. D'abord une procession monte a travers le village. Des hommes vetus d'un gilet rouge qui "chantent le Saint-Esprit" accompagnes par des percussionistes, des jeunes filles tout de blanc vetues mais pas souriantes, qui portent des couronnes d'argent sur un coussin, des oriflammes dont l'un proclame que le Saint-Esprit protege le Portugal, et derriere des femmes et des enfants qui suivent le cortege. En tout une centaine de personnes qui sont attendues la-haut par celles et ceux qui ont prepare la salle a manger et la soupe de viande que l'on nous invite a partager. Nous retrouvons Tiburcio, notr policier. Didier est bien sur assis en face de la postiere. Il y a aussi Alain, Luc et Aline, un couple de Quebecois, puis d'autres jeunes qui arrivent plus tard... Nous passons un bon moment avant de redescendre vers la marina.

5e année – n°11 - 21 mai 2012

Cette quinzaine LOF navigue en haute mer. Pas de rencontres, sinon les US Coast Guards le quatrieme jour. Peu de cargos, une fois passe le detroit de Floride. L'equipage, Didier, Gilles et Rene, prend ses marques. C'est la premiere fois depuis septembre 2007 que mon fidele second n'est pas a bord.

Chacun a ses petites miseres, Didou a le mal de mer le premier jour, Gilles est migraineux le second et surtout il supporte mal la separation d'avec Helene, mais heureusement Sailmail est la pour apporter des nouvelles. Moi j'ai attendu le sixieme jour pour ressentir les effets du mal de mer, avec la navigation au pres, et justifier ainsi la presence de Gilles pour me suppleer a bord. Les petits details intimes de la vie de chacun sont partages dans cet univers clos et limite que constitue le bateau.

Les premiers jours, il fait beau, nuits calmes et agreables sous l'encore presque pleine lune. Des le quatrieme jour le temps se degrade avec l'arrivee d'un front froid. Vendredi 11 mai est une belle journee. Le temps se rasserene et l'equipage peut utiliser la plage arriere pour une toilette complete. Samedi en revanche est notre journee la plus difficile de la premiere semaine : la mer est forte, le vent tres defavorable. Avant la nuit, nous mettons a la cape et decidons de tous aller dormir. Nous reculons de 20 milles sur notre route... jusqu'a cinq heures du matin ou le vent et la mer s'etant un peu calmes, nous remettons en route. Depuis lors, nous remontons vers le 40e parallele afin d'eviter si possible de tomber dans l'anticyclone des Acores. La temperature, alors que nous sommes seulement au 33e Nord a deja bien baisse : a 9 heures, il ne fait que 21 degres dans le carre et l'eau de la mer n'est plus qu'a 19. Depuis trois nuits j'ai aussi sorti le duvet du coffre : les tropiques c'est bien fini. Devant nous a quelques jours il y a 35 noeuds de vent et nous esperons que ce sera plus calme lorsqe nous y serons.

Cote peche, c'est negatif. La premiere semaine nous n'avons pas peche car le frigo etait plein de produits frais qui risquaient de s'abimer, mais depuis trois jours nous trainons une ligne sans succes toute la journee. Ce qui me confirme une fois de plus que nous n'avons pas le materiel adequat pour la peche au large. Nous fetons plusieurs fois l'anniversaire de Gilles, grace aux succulentes boites mises dans son sac par Helene. La cuisine du bord, assuree en grande partie par le meme Gilles nous regale aussi, comme cette succulente pizza selon la recette d'Italie du sud de sa mama, mardi soir. Quelquefois c'est moi qui suis au fourneaux et je crois que mes spaghettis aux epinards ont aussi ete apprecies. Et meme Didier s'y met a son tour avec des oeufs brouilles au jambon.

Il faut que je vous parle aussi de notre equipier le plus endurant, le plus fidele, je veux parler du pilote automatique qui tient la barre de LOF 24 heures sur 24, dans toutes les conditions meteo depuis le depart de Cuba. Sans lui nous devrions barrer chacun huit heures par jour et la traversee serait beaucoup plus difficile. C'etait le cas pour les equipages, il y a deux ou trois decennies a peine. Comme il est malgre tout de sante fragile, j'en ai embarque deux, on ne sait jamais. Ainsi il suffit de surveiller qu'il ne decroche pas et qu'il suit bien la route qu'on lui a indiquee. L'homme de quart la nuit peut rester a l'interieur et sortir tous les quarts d'heure pour surveiller l'horizon, pas de cargo en vue et les reglages des voiles et du pilote. Une autre aide a la navigation tres importante est le GPS avec traceur de route et cartographie, qui nous permet depuis a peine 20 ans de savoir nous situer en permanence sur l'ocean. Evidemment tout ceci comme la radio ondes courtes BLU qui vous permet de recevoir de nos nouvelles depuis l'ocean, et de nous envoyer les votres merci, est bourre d'electronique fragile et consomme de l'electricite que notre panneau solaire, notre eolienne et notre alternateur d'arbre produisent et stockent dans cinq batteries de service d'une capacite totale de 505 Ah. Ces trois producteurs d'energie nous permettent en plus de faire une croisiere ecologique, puisque depuis 12 jours, le gazole n'a ete utilise que pour sortir au moteur du port de La Havane.

Ce jeudi 17 mai a 14.00 TU, pour la premiere fois nous etablissons la liaison radio par BLU avec ID'HORTA a 500 milles dans notre sud-sud-est. La propagation est excellente et nous pouvons parler avec Marc, Daniel et Alain. Daniel nous donne rendez-vous chez Peter a Horta et nous decidons d'avancer l'heure de la vacation a 11.00 TU pour les prochains jours, car la propagation est meilleure aux premieres heures du jour. Ce jour aussi nous recevons longuement la visite d'une vingtaine de dauphins tachetes de l'Atlantique que Didier filme a l'avant du bateau, comme il filme la vie quotidienne du bord.

Samedi 19 mai, au 14e jour de mer, nous venons de franchir tot ce matin la mi-parcours theorique de notre etape La Havane - Horta. Plus de 1600 milles derriere l'etrave, mais encore autant devant la proue.

Depuis le 14 mai, grace au soutien appuye du Gulf Stream, nous faisons des journees record : 123, 145, 124, 140, 158 et enfin 156 milles, soit 846 milles en six jours. Nous naviguons la plupart du temps avec trois ris dans la grand voile et six voire neuf tours sur le genois, entre 6 et 7 noeuds (1 noeud = 1,852 kmh). Nous allons aussi vite que ID'HORTA, 43 pieds, plus au sud, qui a moins de vent et de courant favorables, mais plus de soleil. Sauf une importante entree d'eau au presse-etoupe, que nous n'avons pas pu changer a Cuba et qui nous oblige a pomper regulierement les fonds, LOF se comporte tres bien. Nous avons de l'energie a revendre a EDF, grace a nos trois producteurs cites plus haut. Il nous manquerait seulement un peu de soleil. A 12.00 TU le 20 mai, nous sommes a moins de 1400 milles de l'atterrissage a Faial.

5e année – n° 10 - 7 mai 2012

Nous sommes partis pour Vinales dimanche 22 au matin. La cheville gauche de Michele allait un peu mieux. Un taxi nous a conduits au terminal des bus VIAZUL. Il faisait beau. Nous avons pris l'autopista de Pinar del Rio, puis, une route etroite et sinueuse nous a fait penetrer dans la vallee de Vinales et ses mogotes, collines en forme de meules de foin, relief karstique que l'on retrouve en Chine dit le guide Lonely Planet. A l'arrivee a Vinales, grosse bourgade de 11 000 habitants, les proprietaires de « casas particolares » attendent le car. Nous avons l'adresse de Raoul et Rosa donnee par Jackie et Bernard et nous nous debarrassons de celles qui auraient bien voulu nous avoir comme clients.

Nous allons nous balader dans le centre pas tres anime, mais il est vrai que nous sommes dimanche apres-midi. Le centre culturel est ouvert, une expo d'un peintre local, puis nous poussons jusqu'au jardin botanique que nous visitons entre les averses, sous la conduite d'Heidi, une jeune etudiante en psychologie qui est aussi passionnee par les plantes. Le blog vous montrera quelques images de ce jardin extraordinaire. Le soir nous goutons au mojito de Raoul et a la langouste de Rosa, tous deux excellents, avec ce soir une soupe de poulet, et aussi bien sur du riz, des crudites et des fruits frais coupes. Le lendemain nous empruntons le bus touristique pour faire deux fois le tour des curiosites locales, deux fois car le matin le ciel etait un peu couvert pour les photos. Mais le clou de notre sejour a Vinales, c'est la balade avec Raudel le fils de nos hotes qui nous fait decouvrir cette campagne et nous permet de rencontrer un couple de cultivateurs de tabac et cafe. Mais deja il faut rentrer, d'autant que nous voulons ajouter a notre programme une visite a Santa Clara, au train blinde avec 406 hommes de Batista tres bien armes, deraille et pris par 18 hommes de la colonne du Che le 29 decembre 1958, trois jours avant l'entree de la meme colonne a La Havane, quatre jours avant la proclamation de la victoire de la Revolution par Fidel Castro a Santiago de Cuba, le jour de mes dix-huit ans. A Santa Clara, nous visitons aussi le memorial et le musee consacre au Che sous son immense statue, puis nous rentrons entasses a six, avec un couple d'Argentins et deux jeunes Norvegiennes, dans une vieille Chevrolet Bel Air, comme il n'en existe plus qu'a Cuba.

Vendredi, ca y est Didier et Gilles sont dans l'avion. Nous preparons leur arrivee qui sera un peu plus tardive que prevu, une demi-heure de retard de l'avion, mais le voyage s'est deroule sans incident. Il est plus de dix heures lorsqu'ils arrivent enfin, guettes par les gardiens de la marina qui, a chaque voiture qui se presente, nous annoncent nos amis, tandis que Michele fait de grands signaux de bienvenue. La capitainerie arrive presqu'en meme temps qu'eux pour verifier leurs visas et leur demander de se presenter a l'immigration le lendemain matin. Bien sur ils commencent a deballer leurs sacs et nous bavardons en prenant notre premier repas ensemble a bord. Finalement nous nous couchons a une heure du matin, record de veille battu. Nous pensions que le lendemain devait etre un jour de repos pour nos nouveraux equipiers, mais apres la visite a l'immigration et un tour au marche de Jamainitas, tout de suite nous nous mettons au travail. Gilles commence a cabler le nouveau feu de tete de mat, puis nous changeons le cable de commande de l'inverseur, enfin c'est Gilles qui prend la direction des operations, Didier et moi passons les outils, Michele se sent tout a coup inutile. Le soir Jean-Marie qui a accompagne son epouse Cathy a l'aeroport vient prendre l'aperitif et diner avec nous. Didier et surtout Gilles s'endorment doucement. Dimanche matin nous continuons tout en admirant la celerite avec laquelle Jean-Marie monte a son mat. Il y a un probleme : grimpe au sommet du mat, je n'arrive pas a faire fonctionner les deux feux normalement. Tant pis, pour l'instant, il n'y aura que les feux de navigation ! Deja il est midi, nous voulons partir pour La Havane cet apres-midi.

Le taxi nous depose devant le theatre Jose Marti de La Havane. Nous pensions acheter nos places pour le spectacle en soiree, nous n'avions pas note que le dimanche la seance etait a cinq heures. Nous n'avons que le temps d'aller deposer nos sacs dans notre casa particolare et revenir en tenue correcte pour assister au spectacle du Ballet National de Cuba dans le plus ancien theatre d'Amerique encore en activite. Nous devons attendre que le public cubain qui paie les places entre trois et dix pesos nationaux soit installe pour que l'on vende aux etrangers les places a vingt-cinq pesos convertibles. Le public salue l'entree d'Alicia Alonso Directrice Generale et ex-danseuse etoile. La premiere partie plutot moderne et tres enlevee est assuree par de jeunes danseuses et danseurs, puis apres l'entr'acte nous assistons au Grand pas de La Bayadere par les danseurs chevronnes et les etoiles du ballet. Meme Gilles qui nous avait dit son peu de gout pour la danse a ete seduit en particulier par les jeunes. Puis nous retournons dans le vieil Havane ou nous nous baladons avec bonheur pendant un jour et demi, des bouquinistes de la Plaza de Armas a la Plaza Vieja ou malheureusement le Buena Vista Social Club affiche complet. Le soir nous rencontrons dans une galerie de photos un Cubain et sa mere qui nous font visiter leur appartement decore de plusieurs photos de Camilo Cienfuegos, ce qui entraine une discussion sur les circonstances de sa mort. Nous attendions, moi surtout, le matin du Premier mai pour participer au "desfile" place de la Revolution au milieu des Cubains avec lesquels nous bavardons en passant devant la tribune installee au pied du memorial Jose Marti. C'est un "desfile" joyeux dans lequel les participants, au nombre de sept a huit cent mille me dit mon voisin cubain, dansent lorsqu'une musique se fait entendre. Les gens sont venus souvent en tenue de travail, surtout ceux qui travaillent dans les ministeres. Il y a aussi les sportifs, nous sommes un moment au milieu des volleyeurs puis des basketteurs. Comme chez nous des banderoles d'entreprises, d'autres qui affirment les mots d'ordre. Celui du jour semble etre : preservar y perfeccionar el socialismo ! Puis nous rentrons a la marina ou Michele doit terminer son sac pour partir ce soir. L'apres-midi, la pluie se met a tomber avec force et perseverance et a la nuit tombante j'accompagne ma Cherie a l'aeroport par des routes ou il faut slalomer entre les flaques. Je la laisse apres l'enregistrement des bagages et le paiement de la taxe d'aeroport, avant le passage a l'immigration. Retour un peu melancolique au bateau...

Mercredi matin nous devons sortir le bateau, mais outre les formalites a accomplir, nous attendons la grue qui ne sortira pas le bateau s'il pleut. J'ai l'impression que le grutier a scrute le ciel tout le matin et ce n'est qu'a une heure et demie que Mario m'appelle a la VHF pour me dire que la grue est en route. Elle n'arrivera qu'a quatre heures. C'est un camion grue jaune dont toutes les fonctionnalites ne sont pas en etat et qui va avoir beaucoup de mal avec notre greement. Il y a aussi tous les hommes du chantier qui s'affairent autour du bateau. Trop de monde sans doute. Gilles entre en ebullition. Didier fait des photos. Enfin apres une heure et demie, LOF repose sur son ber et nous pensons deja au retour a l'eau dans deux ou trois jours ! Pour l'heure, impossible de louer un bungalow : il faudra prendre une chambre en pension complete dans cet hotel ACUARIO "todo incluido". Nous sommes epuises par la tension de cette journee et nous apprecions de n'avoir pas a nous preoccuper du repas du soir. Le lendemain nous arrivons au chantier des l'ouverture. La machine a haute pression pour nettoyer la coque ne delivre qu'une basse pression et Ramon doit finalement aller chercher un vieux Karcher. Mais dans ce chantier, tout manque et ils doivent improviser des solutions avec les moyens du bord, ce qui peut etre long. De meme, nous ne desaccouplerons pas le moteur : les mecaniciens, Nia et Camejo ne connaisent pas le tourteau et il n'ont pas l'outillage pour le demonter. Nous changeons seulement les courroies pour l'alternateur d'arbre, le presse-etoupe attendra... Cette experience nous permet de voir qu'a Cuba s'il y a des ouvriers competents, le materiel necessaire, outillage et pieces fait cruellement defaut. Ainsi la matinee ne suffira pas pour nettoyer la coque avec la "haute pression" qui ne sera que moyenne. La pluie qui se met a tomber tres fort l'apres-midi vient encore perturber nos travaux ; nous restons longtemps a la regarder tomber en bavardant, assis dans le cockpit, avant de rentrer a l'hotel apres cette journee peu productive et je me demande, surtout si la pluie s'en mele, quand LOF pourra retourner a l'eau. Heureusement vendredi au lever du jour le ciel est pur et nous arrivons au chantier a l'ouverture. Les ouvriers attaquent bientot le poncage de la coque au papier de verre, tandis que Gilles et Didier partent au supermarche et moi a la recherche de Judit la dame qui s'occupe de la laverie. Pendant ce temps la coque est prete a peindre et je pose le ruban de protection. Ainsi lorsque Didier et Gilles reviennent nous attaquons la "sous-marine". Il faut faire vite car la grue est annoncee pour trois heures ! Et Mario vient nous chercher au bar ou nous degustions un excellent expresso d'apres dejeuner. Il est a peine deux heures et demie, la grue est deja arrivee. Mario me dit : les Cubains sont rarement a l'heure ou on les attend , ils sont en retard ou en avance, c'est comme ca que l'armee revolutionnaire a triomphe. La remise a l'eau se deroule beaucoup plus vite que la sortie et a quatre heures, nous sommes de retour a la marina, bien contents d'avoir retrouve l'element liquide. Nous partirons dimanche matin, dernier jour de mon visa, mais il reste beaucoup de choses a faire, nettoyage, courses, trouver la bobine defectueuse, rangement du bateau, ... Tout ou presque se realise, sauf la bobine defectueuse pour laquelle Louis Rivoire consulte par telephone dit que ce n'est pas trop grave. C'est seulement qu'a chaque claquement les bougies de prechauffage sont alimentees. Le soir je peux preparer la sortie avec Jose, le Maitre de port du jour, avant que nous allions prendre notre dernier repas cubain a l'hotel-club Aquario. Il fait tres beau pour notre derniere soiree cubaine.

Dimanche 6 mai, nous nous levons avec le jour. Jour important : Gilles a 60 ans, nous quittons Cuba et en France, on va peut-etre rendre son papa a la petite Giulia. A huit heures nous decollons du quai pour aller voir l'immigration, la douane et la capitainerie qui nous delivre le precieux "Zarpe", document qui dit que nous quittons Cuba en regle et qui me sera reclame au prochain port. Le douanier me demande combien de bouteilles de Ron ? Le policier qui fait la fouille n'ouvre pas ma principale reserve, seulement le coffre qui en contient quatre, chiffre annonce. Nous sommes liberes a neuf heures vingt, il n'y a pas de vent, force 1 Beaufort, la transat commence au moteur et nous passons devant La Havane, malheureusement a contre-jour...

5e année – n° 9 - 23 avril 2012

Cette premiere journee de navigation dans le golfe de Guanahacabibes le jour de Paques, est longue, penible et sans grand interet. Le ciel est couvert une grande partie de la journee et les couleurs sont ternes. De plus le soir nous arrivons de nuit dans le mouillage de l'ensenada de Anita, sous la menace de la pluie. Toute la journee, le vent avait ete de face, et nous avions "joue" tantot a tirer des bords un peu carres, tantot a nous aider du moteur dont l'inverseur hesite de plus en plus avant d'embrayer. Au matin du second jour, le soleil est avec nous et une bonne brise nous emmene vers le cayo Buenavista en route directe. Mais le vent tombe et nous oblige a mettre le moteur, puis passe le cayo, il reprend de face. Enfin il fait tres beau et nous commencons la partie de notre voyage ou il faudra surveiller le sondeur. Nous mouillons a Cayo Rapado Grande, pres de la station de peche, ou les hommes nous font de grands signes. Plus tard ils disposent un long filet qui enferme LOF entre la pecherie et la mangrove. Ils tirent leur filet, trois a chaque extremite, une barque et un plongeur en apnee s'occupant sans doute de faire glisser celui-ci sur le fond. Ils doivent couper leur cordage pour passer le mouillage de LOF, nous sommes genes, mais ils repondent " no problema ! " et ils nous promettent meme "un regalo". Mais ils tirent jusqu'a la nuit...

Le lendemain matin, lorsque nous mettons le nez dehors, le bateau de peche est reparti. Nous embrayons avec difficulte et un cliquetis intermittent et irregulier deja entendu se fait plus insistant. Nous partons pour une courte etape sous le soleil, a longer le recif par l'interieur, face au vent, donc au moteur. Vers midi, le vent monte et nous sommes contents d'arriver au mouillage de Punta Alonso Rojas, ou nous verifions l'arbre d'helice et le transmission a l'interieur, sans remarquer aucun jeu qui expliquerait le bruit. Nous decidons toutefois de sortir en mer libre et de rejoindre Hemingway au plus vite et autant que possible a la voile. Dans l'apres-midi trois pecheurs viennent nous voir. Ils nous proposent leurs langoustes. Ils en ont sept, la plus grosse est enorme, autour de deux kilos sans doute. Ca fait baver n'est-ce pas Christine ? Pour 15 pesos convertibles, nous achetons le lot. Ils sont contents, nous aussi et Ariel part avec en prime un tee-shirt "nettoyons la nature" laisse par Jean-Claude. Il nous reste a conserver une bonne partie de ces fruits de mer a l'huile d'olive. Ce soir j'en mangerai tant, avec un petit vin blanc du Chili qu'il me faudra me lever cette nuit pour prendre un Alka-Selzer !

Mercredi, le jour se leve a peine. lorsque nous levons le mouillage. Nous avons compte 149 milles avec un vent de nord-est, mais il faut aller chercher le vent a l'exterieur du recif ou nous le trouvons a l'est, ce qui nous raccourcit la route dans un premier temps. Mais comme il va tourner bientot nord-nord-est, nous devrons tirer plusieurs bords pour nous eloigner du recif. Resultat : 148 milles au GPS a l'arrivee a Hemingway. Les formalites vont encore nous occuper une grande heure et nous voici dans le second canal entre AZUR, un OVNI 32 d'Alain et Francoise, Andre, un solitaire canadien sur MY DREAM, un Evasion 32, en face de jeunes Francais, Jean-Marie et Cathy sur ORANGE BLEUE, un Bongo. Cette navigation de quarante heures nous a assommes, les formalites nous ont acheves. Une douche reparatrice, si la plomberie avait ete en etat j'aurais ecrit : installations luxueuses, mais... un punch au rhum de Panama, excellent, avec des toasts de langoustes et nos bannettes nous accueillent alors que la lumiere du jour n'est pas totalement eteinte.

Vendredi matin, apres un echange avec SECODI et avec Gilles pour la panne de l'inverseur, nous allons a l'hotel pour changer nos euros en CUC, la monnaie forte de Cuba. Pas possible ce matin nous dit l'hotesse d'accueil qui nous indique le bureau de change de Jaimanita a un quart d'heure de la marina ou nous faisons le change et achetons aussi des pesos nationaux qui nous permettent sur le chemin du retour d'acheter pour presque rien des fruits et des legumes frais et meme deux excellentes glaces que nous apprecions par la chaleur de midi. Puis nous consacrons le week-end au dessalage et au nettoyage de LOF qui en a bien besoin. C'est la premiere fois depuis trois mois que nous sommes a quai, avec de l'eau douce et du 220 V pour l'aspirateur ! Je prends aussi rendez-vous avec Mario, le chef du petit chantier, pour gruter LOF le 29 avril ; je monte au mat ou je decouvre que le feu de navigation est irreparable, il faudra en faire rapporter un de France. Samedi soir nous allons diner dans un restaurant a Santa Fe, a 3 km de la marina. Cadre agreable dans un jardin, prix modere, serveuse sympathique, repas a base de fruits de mer. La nuit tombe et nous pensons au moyen de rentrer au bateau lorsqu'arrive a la table voisine un petit groupe de jeunes dont Cyril, un Francais installe a Cuba depuis plus de dix ans, avec sa femme cubaine et ses amis. Nous passons un bon moment en leur compagnie joyeuse, meme si nous n'arrivons pas a suivre la conversation, tandis qu'un groupe de musiciens se prepare a animer la nuit. Mais nous decidons de rentrer et Enrique nous raccompagne dans sa Lada dont le moteur s'arrete des qu'il lache l'accelerateur.

Lundi nous partons pour trois jours a La Havane. Un taxi nous emmene directement au Capitolio. Tout pres, nous avons l'adresse d'une "casa particolare", chez Ivonne y Ramon. Nous nous installons et pendant deux jours et demi, nous commencons a decouvrir La Havane. D'abord le quartier du centre autour du Capitolio ou nous cherchons en vain le moyen de telephoner en France, sans passer par les tarifs prohibitifs des grands hotels. Le moins cher et le plus simple finalement, ce sera mon portable mobicarte ! Puis le Bario Chino, surtout compose de restaurants, mais nous avons deja grignote dans les echopes en moneda nacionale,. Nous nous dirigeons ensuite vers Habana Vieja, la Plaza de Armas ou j'achete deux albums photos souvenir de Camilo Cienfuegos et Fidel Castro, la cathedrale devant laquelle nous prenons une consommation a un tarif Vieux Lyon. Mardi, nous utilisons le bus touristique pour nous rendre place de la Revolution, sous le memorial a Jose Marti qui est a Cuba ce que Simon Bolivar est au Venezuela. Immense place ou arrivera la manifestation du 1er mai et ou peut-etre Fidel Castro, sinon son frere Raoul, prendra la parole. Le soir nous retournons dans Habana Vieja ou nous dinons tres bien avant de nous promener un peu dans la calle Obispo, tres touristique. Mais malheureusement nous sommes trop fatigues par ces deux journees pour en profiter vraiment. Deja c'est notre dernier jour. A Habana Vieja, la cathedrale magnifique est ouverte, ainsi que les galeries d'art sur la place, mais pas le Centro Wilfredo Lam, ni le museo de arte colonial. Plaza Vieja nous assistons a un moment du festival de danse avant de passer un grand moment agreable dans l'iglesia, ou un orchestre feminin a cordes repete, et le monasterio de San Francisco de Asis, avant d'aller nous reposer un moment dans le jardin de Oriente ou nous rencontrons un Francais retraite qui est installe a mi-temps a Cuba depuis plus de dix ans. Mais deja il est temps de reprendre le chemin de la marina...

... Car nous avons deux rendez-vous ce jeudi : Mario, le chef du chantier naval amene le mecano pour voir le travail. Bonne surprise, ca arrive : si l'inverseur n'embraye pas, c'est parce que la commande ne va pas jusqu'au bout car la gaine du cable a eclate. Bien nettoye, ca embraye mieux, mais il faut faire venir un cable de France, car je ne le trouverai pas a Cuba. Et le bruit ? Il n'est pas dans l'inverseur, c'est un relais du kit d'isolation. Celui des bougies de prechauffage ? L'electricien viendra le 28, lorsque nous aurons le relais neuf. Vraiment Rene, tu as encore quelques progres a faire en mecanique ! Puis arrivent Jackie et Bernard de GALENE, accompagnes de leurs amis Martine et Dominique qui prennent l'avion ce soir a Jose Marti. GALENE est a la marina de Cienfuegos sur la cote sud. Nous sommes tres heureux de revoir nos amis qui vont au Rio Dulce et qui ont plein de questions a nous poser sur le Guatemala et d'informations a nous donner sur Vinales et Santa Clara. Michele qui est allee chez la coiffeuse revient avec une couleur toute neuve. Nous passons une belle journee sur LOF et le soir nous retournons ensemble au restaurant Tomezclao a Santa Fe, une bonne adresse !

Nous devions partir vendredi apres-midi a Vinales, voyage chaudement recommande par Jackie et Bernard, mais nous sommes retardes le matin par la demande de photos du cable de l'inverseur, qu'il faut aller envoyer sur Internet depuis l'hotel. Finalement, nous decidons de reporter au lendemain notre depart avec le bus du matin, mais en fin d'apres-midi, Michele se fait une entorse a la cheville. Samedi matin, il pleut et elle marche difficilement : nous reportons a nouveau pour lui permettre de recuperer. Et la pluie va tomber une bonne partie de la matinee et tres fort tout l'apres-midi. Que faire lorsqu'il pleut autant ? Entre deux radees, je vais au marche de Jaimanita et j'achete de la viande que nous mettrons en conserve pour la transat cet apres-midi.

Je vais encore envoyer La Lettre samedi soir, avec 24 heures d'avance en esperant que demain nous pourrons aller a Vinales.

5e année n° 8 – 9 avril 2012

Lundi 26 mars quatre heures l'apres-midi, nous rentrons de la finca de Miguel. J'allume Sailmail : quinze messages de lecteurs de La Lettre de LOF, nous sommes contents, meme si ce n'est qu'un dizieme des abonnes qui a repondu, mais des le premier jour. Une seule lectrice a renvoye La Lettre. Elle se reconnaitra, elle ne refera plus !

Et dire qu'il s'en est fallu de si peu pour que nous n'allions pas a la finca et que nous ne rencontrions pas Miguel ! Jeudi, nous revenions de Panamarina, je devais aller a Panama le lendemain. Difficile de faire les formalites de sortie du pays en rentrant l'apres-midi : les bureaux ferment a quatre heures. Samedi, c'est "over time", ca nous a coute quarante dollars a Porvenir. Dimanche, c'est "cerrado". Miguel ne pouvait pas nous accueillir samedi, il etait pris avec des clients envoyes par une agence avec lesquels il devait aller faire un bivouac dans la jungle. Il serait de retour dimanche vers midi. Banco, un appel pour confirmer jeudi soir, nous partons dimanche matin. Richard nous depose a terre pour le bus de huit heures. Une demi-heure de bus, une demi-heure de marche et nous rencontrons Benoit venu a notre rencontre. Il faut passer la riviere a gue en mouillant un peu le short, puis un chemin accidente nous conduit en un bon quart d'heures aux "cabanas". Yaneth, la compagne panameenne de Miguel nous offre un cafe de bienvenue. Nous retrouvons Cecile, la femme de Benoit, connue a Panamarina, et nous faisons connaissance avec Jean-Yves, Christiane et leur fille Marie. Nous remarquons tout de suite que les lits de la cabana ou nous nous installons sont equipes de moustiquaires. En attendant l'heure du premier repas et le retour du maitre des lieux, nous profitons du cadre et des hamacs, disposes sous un abri.

Le repas se deroulera sans Miguel et ses clients qui n'arriveront qu'a deux heures et demie, pas tres frais les clients ! jus de fruits maison, salade de concombres, riz au coco, avec chorizo et haricots noirs, banane dessert dans sa sauce au chocolat, cueilli et prepare au campement, comme le cafe qui suit. apres une sieste rapide, c'est Yaneth qui nous emmene pour une ballade de trois heures dans la foret, a la recherche de l'ivoire vegetal que nous ne trouverons pas, mais a la rencontre d'arbres, de fleurs, de fruits et de petits animaux comme ces grenouilles brunes qui mesurent a peine un centimetre. Les gros animaux et les oiseaux que l'on entend pourtant sont caches a cette heure chaude. Apres avoir passe quatre fois la riviere a gue, a notre retour, a cinq heures et demie, je suis un peu fourbu et mes pieds qui ont macere dans mes chaussures trempees, retrouvent l'air libre avec bonheur. Une douche delassante me fait recuperer un peu de fraicheur physique avant le repas du soir, toujours simple mais bon, avec cette fois au dessert un gateau a la banane, creation de Miguel. Yaneth est partie s'occuper de ses neveux et nous decouvrons enfin Miguel, un Basque, ca s'entend tout de suite, grand et costaud, noir de poil et barbudo, ca se voit aussi. Les questions fusent et Miguel raconte : sa vie au campement. Il vient de le demenager en six mois, de juillet a decembre 2011 sur un terrain que Yaneth et lui ont achete. Il parle de son contact avec la nature pendant les saisons. Il se dit ecolo et marginal. Il rit beaucoup et nous fait rire au recit des stages de survie en foret vierge, auquel son campement sert de base, lui ayant un role de formateur. Miguel a ete orphelin tres jeune et il a du se debrouiller faisant de nombreux metiers, il s'est engage dans l'armee a 17 ans, il a ete macon, il affirme meme avoir dit la messe, mais ne repond pas lorsqu'on lui demande s'il a ete pretre. A quarante cinq ans, il est un peu desabuse par le comportement des hommes, mais toujours il suit l'actualite de pres, celle de l'Amerique latine en particulier. Il est severe avec Chavez, moins avec Castro auquel il prefere malgre tout Guevara. Quant au Salvador, les forces revolutionnaires ont ete reduites a l'impuissance, la droite revient. Ma fatigue s'est envolee lorsque peu apres dix heures nous allons nous coucher.

Pendant la nuit, la pluie se met a tomber. Ce n'est pas une petite pluie, c'est une pluie tropicale, dense et qui dure jusqu'en fin de matinee. Les autres devaient aller bivouaquer a la cascade du tigre : leur depart est remis. Yaneth de retour de Colon, dit que la riviere a commence a monter serieusement. Il faudra partir assez vite apres le dejeuner, sinon nous devrons rester au campement. Une accalmie vers midi nous permet de voir des toucans dans les plus hautes branches des arbres. Mais apres le repas, la pluie reprend et Miguel qui annule le depart pour le bivouac nous presse de partir. Il nous accompagne jusqu'a la riviere qui charrie des eaux boueuses qui ont monte d'un metre. Heureusement, un ami a lui se trouve justemant la avec sa lancha et nous fait traverser a sec. La pluie a meme cesse. Il ne reste plus qu'a faire en sens inverse la route de la veille et reprendre un bus pour rentrer a Portobelo.

A Portobelo, nous faisons les dernieres courses, les formalites de sortie du Panama, nous saluons les amis que nous allons laisser ici et mercredi matin, apres un dernier cafe pris dans le cockpit avec Richard, nous remontons le mouillage pour aller nous faire secouer par la mer des Antilles. En effet, des que nous avons passe l'abri de l'isla Drake, la mer se creuse avec des vagues de trois metres. La bonne surprise, c'est que si nous sommes au pres serre, nous pouvons faire route directe au 340. L'equipage est barbouille, mais nous laissons sans regrets le gros des nuages accroche a la cote du Panama. Heureusement en fin d'apres-midi la mer devient moins forte et nous pourrons dormir la nuit en continuant notre route vers l'ile de Providencia etape sur notre route vers Cuba. Le vent tarde a tourner a l'est, nous sommes toujours au pres, comme toujours depuis que nous avons quitte le Guatemala : pres de 1200 milles, 2300 km, plus de 240 heures, plus de 10 jours pleins ! Je jure de ne plus boire de cocktails : le shaker me donne envie de vomir... Enfin nous avancons et meme de plus en plus vite et vendredi en debut d'apres-midi, nous entrons dans le mouillage bien protege de Providencia la bien nommee. Nous y retrouvons Lilia et Roberto accompagnes d'un ami, Gian Paolo qui nous invitent a diner a bord de GANESH. Ca fait un an que nous ne nous etions pas croises et Roberto est heureux de me dire que cette fois, c'en est bien fini de Berlusconi, meme si le successeur n'emporte pas son adhesion. Le repas est delicieux, langouste en entree avec petite salade, darne de waouh peche par eux avec des petites pommes de terre sautees et gateau au chocolat. Je crois bien que j'ai aussi un peu abuse du Gato Negro et du Frontera, deux vins chiliens, ma foi tres bons, surtout apres trois journees et deux nuits d'eau salee.

Samedi, Lilia et Roberto nous entrainent a la playa suroeste ou doit avoir lieu une course de chevaux. Cette plage nous y sommes deja venus deux fois, c'est ici que se trouve le restaurant "El Divine Niño". Nous lui ferons une troisieme visite. En fait de course, il n'y a que deux chevaux, mais cela attire une foule nombreuse et tres excitee. La police est presente sur une lancha. Les deux cavaliers s'elancent d'une extremite de la plage et fendent la foule qui s'ecarte juste ce qu'il faut. A un moment celui qui etait derriere essaie de passer dans la mer pour depasser son adversaire, mais le cheval trebuche et jette a l'eau son cavalier. Il s'ensuit une scene ou le cheval sans doute effraye, rue et effectue une impressionnante roulade en arriere dans l'eau. La course est finie, le cavalier malheureux et ses supporters affrontent verbalement devant nous une partie du public surexcite. Puis peu a peu le calme revient et nous pouvons nous attabler chez Niño face a la mer avec Lilia, Roberto, Gian Paolo et nos nouveaux amis, Susan et Michael de CALYPSO, un couple de voileux californiens rencontres dans le pick-up qui nous a transportes. Elle est cent pour cent turque, dotee d'un tres beau sourire, lui est demi-japonnais et a exerce trente ans mais "no more" dit-il, comme flic aux stupefiants a Los Angeles. Ce sont eux qui nous ramenent sur LOF dont l'annexe est degonflee et pliee car notre halte a Providencia ne doit pas se prolonger.

Des dimanche, nous reprenons la mer apres avoir salue les autres bateaux du mouillage, Ganesh et les equipages etatsuniens avec lesquels nous avons voyage hier qui tous agitent les bras en nous criant en francais "bon voyage". Nous sommes toujours au pres et bien secoues par les vagues qui frappent LOF. Lundi le vent tourne plus est et la navigation est plus confortable, mais a la tombee de la nuit, alors que le vent revient devant nous, nous changeons de route : nous n'irons pas a Grand Cayman, car nous avons oublie nos valises de billets a mettre a l'abri dans ce paradis fiscal, et nous nous dirigeons directement sur Cuba. L'etape sera plus longue mais nous regagnerons deux jours a l'arrivee sur la grande ile. Nous naviguons tres vite d'abord avec le vent de travers, puis le vent tourne toujours plus au sud et nous tangonons le genois mercredi matin. Les derniers cent cinquante milles verront le vent faiblir, nous galerons une nuit dans la petole, puis au milieu de l'apres-midi de jeudi, avec cinq noeuds de vent apparent, nous mettons le moteur. Nous passons le cabo Corrientes alors que le soleil se couche et laisse la pleine lune eclairer notre arrivee au mouillage de Maria la Gorda. Notre etape, cinq jours et quatre nuits a ete de 557 milles.

Vendredi matin, la Guardia qui a du reperer notre pavillon jaune nous appelle a la VHF : pas possible de faire votre entree ici. Il faudra s'arreter a Los Morros, de l'autre cote de San Antonio : ca nous arrange, car nous allons gagner deux jours sur le visa. Il fait beau et nous sommes a Cuba pour la seconde fois ! Dans l'apres-midi arrive KANTEGA, un OVNI 39 avec son jeune equipage, Mathias, Christelle et Jolan, 7 mois, que nous invitons a prendre l'aperitif et surprise, ces deux etudiants en medecine habitent Lyon. Nous leur donnons rendez-vous a Grand Largue cet automne. Samedi matin nous reprenons la mer pour passer le cabo San Antonio devant lequel nait le Gulf Stream. Le guide coseille de passer de nuit avec une brise de nord-est qui aplatit la mer. Pour l'heure, le vent est faible, de secteur est, donc portant, mais il necessite bientot l'appui du moteur. Lorsque nous prenons la route au nord pour passer devant le cap et rentrer dans l'Atlantique, le vent tourne au nord lui aussi en se renforcant. Nous mettons une heure et demie pour parcourir au moteur les six milles vers la Punta Cajon, dans une mer desordonnee et contre le vent. Qu'est ce que ca doit etre quand le vent est fort contre le courant ! A quatre heures et quart, nous sommes amarres au quai de Los Morros.. Le gardien qui nous a aides a amarrer nous invite a rester a bord en attendant la visite du capitaine du port. C'est le medecin qui monte la premiere a bord. Elle nous interroge rapidement sur d'eventuelles maladies, prend notre tension et ecoute nos coeurs avant de nous delivrer un certificat de bonne sante. Alors, le capitaine du port qui attendait sur le quai est invite a monter a bord, suivi du maitre chien et du toutou qui cherche la grogue, puis le veterinaire qui decouvre des charancons dans le riz que nous avons achete au Panama. Pour eviter tout incident, nous lui donnons le paquet qui devra etre incinere. L'officier d'immigration est parti avec nos passeports qu'il nous rapporte, revetu de nos visas. En une petite heure, tout est termine, il ne nous reste plus qu'a aller payer le cout de toutes ces formalites, 80 CUC, soit 64 euros au bar ou nous degustons notre premier mojito en compagnie de fabienne et Andreas, un couple franco-suisse qui visite Cuba en voiture.

Dimanche matin, apres avoir sali notre coque sur les defenses de caoutchouc noir du quai, nous repartons vers le nord-est a la voile, avec les souhaits de bon voyage du capitaine.

5e année n°7 - 26 mars 2012

La Lettre de LOF debarque pour quelques jours. Nous vous avions laisses a Cayo Chichime ou nous avons passe le second week-end de mars avec un temps maussade, j'allais ecrire a ne pas mettre un voileux dehors. Lundi nous sommes partis pour une etape de 45 milles vers Puerto Lindon sous un ciel si bas... d'ou nos amis Claude et Marie-Rose etaient partis le matin pour les San Blas. Mardi matin, il suffisait de contourner deux ilots fortement battus par les vagues pour entrer a Panamarina. Donner nos voiles a Alain le voilier, faire tourner quelques lessives et jeudi nous prenions le car de 7h30 pour Colon, puis l'espreso pour Ciudad de Panama ou Chantal de POMELO nous attendait dans son appartement donnant sur la marina Miramar, au seizieme etage d'une tour qui en comporte trente quatre. Le centre de la ville de Panama, c'est Manhattan avec ses dizaines de tours. Michele est sous le charme, d'autant qu'on voit l'ocean Pacifique par la fenetre.

L'apres-midi, Chantal nous emmene visiter Amador et le Causeway qui relie trois anciens ilots au continent. Nous y apercevons le tybatojon NAILWEB au mouillage, son annexe est derriere le bateau, mais nous n'avons pas le moyen de faire un signe a Didier et Yvonne. Puis nous allons au Casco Antiguo. Ce quartier est en transformation. On renove, mais on chasse les anciens habitants qui pour moi en etaient l'ame. Beaucoup de rues sont fermees a cause des travaux et l'ambassade de France, logee dans un bel hotel particulier, est comme la place de France presqu'inaccessible. Des barrieres partout. De plus il y a une reception au ministere des relations exterieures et ceci s'ajoute a cela pour nous rendre la visite difficile. On nous empeche l'acces au Palais presidentiel et la cathedrale aussi est fermee.

Le lendemain matin, nous partons pour le Viejo Panama, la ville coloniale prise et incendiee par Morgan a la fin du XVIIe siecle. Aujourd'hui ses ruines sont classees au patrimoine mondial de l'humanite. Par rapport a ma premiere visite en 1997, on a renforce certaines ruines, un escalier a ete construit qui permet l'acces a la tour de la cathedrale, d'autres ruines ont aussi ete amenagees et de nombreux panneaux d'information en Espagnol et en Anglais aident le visiteur a se reperer. L'apres-midi, nous allons assister a Miraflores a l'eclusage de plusieurs cargos.

Samedi matin, nous visitons le marche aux poissons impressionnant par la quantite de produits de la mer proposes a des prix tres bas. Je deguste quelques "ceviche", fruits de mer assaisonnes avec oignons, citrons et vinaigre. Nous retournons au Casco Antiguo et cette fois nous pouvons approcher le palais presidentiel et penetrer dans la cathedrale decoree par les portraits de tous les eveques de Panama depuis le seizieme siecle. L'apres-midi nous partons en voiture pour Playa Blanca a cent trente kilometres au sud est de Panama, sur l'ocean Pacifique. Chantal s'occupe de la maison que des amis a elle ont acquise dans un immense "resort" qui n'est pas termine. Michele peut enfin se baigner dans le Pacifique.

Dimanche apres-midi, nous remercions Chantal de son hospitalite et reprenons la route de la capitale, pour emprunter lundi matin de bonne heure le train de la Panama Canal Railway Company, "le premier chemin de fer transcontinental des Ameriques ! " qui en une heure nous emmene a Colon, en longeant le canal au debut, puis en nous faisant decouvrir l'immense lac Gatun que traverse la navigation. Il nous reste a acheter une batterie et faire quelques courses a Colon avant de prendre le bus bonde qui en pres de trois heures nous ramenera au portail de Panamarina, apres nos cinq journees terrestres. Voyage pittoresque dans ce vieux bus qui charge et decharge les eleves de nombreuses ecoles sur son parcours. Nous sommes contents de ces journees et aussi de rentrer presqu'a la maison.

A Panamarina, en plus de la presence du voilier et des machines a laver, nous trouvons de l'eau douce et des douches de la meme ; Jean-Marc et Sylvie ont ouvert un restaurant tres sympathique. On y mange fort bien. On y reste a l'ombre pendant les heures chaudes en bavardant avec les plaisanciers en escale. Sylvie reussit meme a joindre Color Box a Panama qui tient de l'antifouling special aluminium. Nous etions alles deux fois a ce magasin avec Chantal et nous l'avions trouve ferme les deux fois pendant notre sejour a la capitale. Nous recuperons nos voiles chez Alain et les reinstallons sur le bateau, nous faisons le plein d'eau, nous dejeunons encore une fois au restaurant de Panamarina, Michele profite d'une bonne connection Internet pour publier deux articles sur le blog : www.lofrene.over-blog.com, et moi je mets a jour ma boite wanadoo et peux enfin lire avec plaisir Les Lettres aux Amis de Annick et Rene qui sont au Nicaragua. Jeudi nous quittons Panamarina, comme toujours avec un pincement au coeur pour une etape de neuf milles vers Portobelo d'ou les bus sont nombreux, ce qui me permet vendredi de faire un aller et retour a Panama la capitale ou Chantal a deja achete l'antifouling, car nous craignions que le magasin soit a nouveau ferme ce vendredi. Merci Sylvie et merci Chantal, grace a vous, LOF pourra carener avant de retraverser l'Atlantique ! A Portobelo, nous retrouvons David de MENECEE et Richard, le cuisinier ami de Monique et Eddy. Mais nous trouvons excessifs les prix du restaurant ou il travaille et nous preferons aller passer deux jours dans la finca de Miguel que l'on nous a vivement conseillee. Nous profitons aussi de notre retour a Portobelo pour aller rendre visite a Colette (Coco) et Michel Lecumbery, chaudement recommandes eux par Denise et Michel de L'EMBELLIE. Nous passons deux heures magnifiques dans leur jardin a les ecouter parler des San Blas, des Kunas et autres peuples du Panama, de l'histoire du Panama et du canal, des animaux blesses ou abandonnes qu'ils ont recueillis. Si vous voulez savoir ce que Michel nous a raconte, nous vous recommandons aussi son blog : www.sagapanama.fr.

Exceptionnellement, La Lettre de LOF va etre envoyee avec un jour d'avance, car nous ne serons pas a bord dimanche soir, nous passerons la nuit a la finca ! Nous esperons que vous prendrez tellement de plaisir a nous lire que vous nous ecrirez un gentil message en retour, toujours sans nous renvoyer La Lettre bien sur ! Nous trouvons que vous fatiguez un peu ces derniers temps et les nouvelles sont rares. Bien sur je ne parle pas pour les quelques uns qui ecrivent toujours, mais pour les autres, un petit effort s'impose les amis !

5e année n° 6 - 12 mars 2012

Apres le depart de nos amis Christine et Jean-Claude, nous sommes restes deux jours a Lemmon's Cay au mouillage d'Elefante. C'est le seul endroit, connu de nous, aux San Blas ou on peut avoir une connexion Internet. Nous avons passe beaucoup de temps aussi a bavarder avec Gerald, le solitaire de PLENITUDE. Mais meme moi, j'en avais assez de ce mouillage ou la plupart des bateaux sur bouees sont vides, et ou il n'y a pas grand chose a faire.

Mardi matin, le temps est plus clair au lever du jour, il est temps de remonter le mouillage. Je propose d'aller a Coco Bandero Cays, a une quinzaine de milles dans l'est. Navigation de moins de quatre heures au pres bien sur et a deux heures l'apres-midi nous jetons l'ancre dans notre premier mouillage solitaire. Personne, ni Kunas, ni autres plaisanciers. Helas quelques gouttes de pluie et surtout un ciel d'une infinie tristesse, une atmosphere etrange et presqu'inquietante, entoures que nous sommes de recifs qui grondent, que meme Michele n'a pas le gout a la baignade. A la nuit tombante, nous sommes toujours dans le bateau a ecrire et a bouquiner, tout en surveillant que l'ancre ne chasse pas.

La nuit s'est bien passee, l'ancre etait bien accrochee. Ce matin Michele va sur l'ilot aux cinq cocotiers sur notre tribord, puis elle declare qu'elle n'a plus rien a faire ici : trop de courants. Comme un peu de soleil filtre a travers les nuages, je decide de nous deplacer un peu plus a l'est ou nous voyons deux bateaux, toujours sur Coco Bandero, vers Ordupbanedup. L'arrivee est magnifique, mais le soleil apres avoir brievement eclaire ces splendeurs recommence a jouer derriere les nuages. Le mouillage est un peu rouleur, il est vrai que nous ne sommes pas au meilleur endroit, mais nous decidons de rester et le soleil nous fait la joie d'illuminer le paysage l'apres-midi ou un grand voilier d'une trentaine de metres, le CARL LINNE fait le spectacle devant un photographe sans doute professionnel. Michele explore les environs, mais pour moi la mer n'est pas assez calme. Je me contenterai de debarquer sur cet ilot tres bien entretenu par les Kunas. Il y a un bar restaurant desert,et vu le petit nombre de bateaux, je me demande s'il recoit beaucoup de clients.

Apres deux nuits passees, nous relevons l'ancre pour une etape de trois milles vers Green Island. Cette fois le mouillage est calme, il faut dire qu'en plus le vent est tombe. Il y a beaucoup de bateaux et nous retrouvons une vieille connaissance : CASSIOPEE 2, de Claudine et Gerard, connus a Paris a la reunion du RIDS de 2006, puis retrouves a Puerto la Cruz. Ici la mer est belle, presque sans vagues et Michele peut m'entrainer a nager vers l'ile bordee d'une plage et d'un haut fond de sable corallien d'une blancheur eclatante. Dans moins de trente centimetres d'eau, de jolies petites carangues d'a peine dix centimetres pas farouches viennent longuement m'observer de tres pres. Le lendemain matin, nous terminons a peine un travail d'etancheite du dessous des hublots de roof. Le Sikaflex achete a Colon est deja trop sec et a refuse de sortir par la canule. Il a deborde par l'arriere du tube ce qui est loin d'etre pratique. Nous nous en mettons un peu partout et nous sommes en train de nettoyer lorsque Claudine et Gerard viennent nous voir. Ils sont restes quatre ans au Venezuela et ont beaucoup visite l'Amerique Latine sac au dos. Ils vont passer dans le Pacifique pour aller en Asie. Sur cette Ile Verte, nous voyons notre voisine de mouillage aller faire sa lessive : il y aurait donc de l'eau douce ? Oui, il y a un puits qui filtre l'eau de mer. Nous debarquons a nouveau et apres avoir fait le tour de l'ile, nous remplissons les bidons que nous avions mis dans l'annexe et nous prenons une douche d'eau douce, nous promettant de revenir le lendemain pour faire le plein de nos reservoirs. Ce que nous ferons, sous un ciel couvert, apres avoir change la turbine de la pompe a eau et la courroie de l'alternateur d'arbre. Beaucoup de bateaux quittent le mouillage ce dimanche, dont CASSIOPEE 2. Et puis, tous les matins a neuf heures, nous allumons la BLU et petit a petit nous entrons en communication avec des bateaux connus : d'abord SPIROU a Providencia avec lequel nous etions convenus d'une vacation, puis au hasard, BACCHUS qui est aux iles Perlas cote Pacifique du canal, YVLYS, qui est au Belize, et P'TIT BOUT 2 qui est en route pour le Panama. Certains matins quand la propagation est bonne, nous pouvons bavarder un petit moment et nous aimons beaucoup ces rendez-vous radio.

Visite rapide a un autre village Kuna : Rio Azucar, comme les autres situe sur une petite ile proche de la cote, pour faire quelques courses. Nous n'avons plus de pain, presque plus d'oeufs et de viande. Nous arrivons en meme temps que deux petits cargos ou grosses lanchas de ravitaillement. Ca ne ressemble pas a Rio Sidra. Ici c'est plus aere, moins peuple, l'autre etait surpeuple, moins traditionnel aussi. Il y a des constructions en beton, pas toutes, l'eglise ressemble a une eglise, la construction du Centre de Sante bat son plein. Surtout nous ne remarquons qu'une vieille femme en costume. Les enfants qui sortent de l'ecole, il est midi, ont des tenues uniformes particulierement coquettes. Notre guide Bauhaus ecrit que ce villlage semble une transition qui s'eloigne du style de vie Kuna traditionnel, bien qu'en 1925, lors de la revolution contre les lois panameennes, les villageois engagerent de dures actions contre la faction Kuna pro-chretienne et cependant le congreso est toujours en place. Abdel, notre guide du jour nous montre rapidement le village et nous conduit dans plusieurs tiendas ou nous trouvons les prix eleves, par exemple un dollar pour une pomme de terre et a la boulangerie ou nous achetons trois douzaines d'excellents petits pains ronds. Apres une visite eclair, nous rembarquons sur LOF qui est mouille au milieu des ordures qui flottent autour du village.

Nous sommes revenus sous un ciel bouche. Cette nuit le vent est monte et ce matin, nous avons rejoint avec deux ris dans la GV et un bout de genois, Holandes Cays, bien abrite, un groupe d'iles parmi les plus au large de l'archipel. L'arrivee fut magique, le soleil ayant bien voulu a ce moment illuminer le paysage d'ilots plantes de cocotiers, de recifs battus par la mer qui montrait toutes les couleurs de sa palette pour nous seduire. Nous etions bien a l'abri, sous l'ilot de Banedup, derriere le recif et les cocotiers, le reve. Michele a cuisine le poulet achete hier a prix d'or avec un ananas, des bananes plantain et de la sauce soja. On s'est regales ! Malheureusement, le soleil s'est rapidement cache des le debut de l'apres-midi. Nous avons retrouve CASSIOPEE 2 et fait connaissance des Bretons Gilbert et Viviane sur leur OVNI 445, KENDALC'H. Aussi, mais c'est plus difficile a cause de la barriere des langues, d'equipages habitues de l'endroit, des Canadiens, des Allemands, des Australiens et meme des Etatsuniens, avec lesquels Michele est allee bruler les poubelles sur la plage.

Jeudi matin, nous repartons pour aller mouiller a l'autre extremite des Holandes Cays. Le temps est vraiment bouche. Nous naviguons a l'abri des recifs et des iles, mais le mouillage, baptise "la piscine" par les plaisanciers nous apparait sinistre par ce temps. Nous dejeunons puis nous decidons de repartir : nous avons le temps de rejoindre les Cayos Chichime. Nous faisons l'exterieur par le nord, pour eviter d'avoir a tirer un bord de pres a l'arrivee. La mer est forte et sous notre vent, en brisant sur les recifs de Cayos Chichime, des vagues enormes deferlent, eclairees par un rayon de soleil enfin revenu, avec des couleurs de glaciers sur les coraux et sur l'epave echouee. Dans l'abri du lagon, la mer est belle. Nous mouillons a cote de MARISA de Benoit, et le soir, nous allons prendre une biere Balboa, il n'y a que ca et du rhum, a la paillotte Johny's bar tenue par un Kuna, ou se retrouvent quelques uns des plaisanciers du mouillage. Il y a aussi quelques jeunes touristes backpacker's venus louer des tentes sur l'ilot, en attente pour une mini croisiere. C'est la tour de Babel, mais pour une fois, les Francais etant les plus nombreux, notre idiome peu a peu s'impose.

Le temps reste mitige, malgre les invocations quotidiennes de Michele : le beau temps revient ! Les nuages aussi helas qui gachent la promesse d'un soleil toujours hesitant. Nous attendons un peu l'arrivee d'AMALEO qui attend une amelioration pour venir jusqu'ici ; Claude et Marie-Rose devaient nous servir de guides dans les San Blas, c'est rate ! Enfin l'eau est claire, le mouillage est beau et la tenue des ancres est bonne. Michele reussit meme a m'emmener nager dans le courant pendant une eclaircie. Samedi matin, KENDALC'H entre, mouille, puis repart. Nous sommes controles par les autorites du Kuna Yala : passeports, permis de croisiere, recu pour la taxe du Kuna Yala ; nous sommes contents d'etre en regle. Avant la tombee de la nuit, nous debarquons vers le bar ou les canettes de Balboa se vident au rythme des histoires que racontent les uns et les autres. Il y a rassembles autour d'une table, Benoit, David et Dominique, un couple anglo-belge avec chiens de MENECEL, Javier l'Espagnol, Marco, le jeune Francais qui repare un bateau delabre avec lequel il est pourtant venu de France, un jeune couple Francais, elle est enceinte de six mois, ils ont vendu leur bateau et en ont rachete un autre pour cinq mille dollars. Ils se deplacent dans une annexe a voile, genre Optimist. A Holandes Cays, c'etaient les retraites anglophones qui se retrouvaient, ici ce sont les jeunes desargentes. Demain nous partons pour Panamarina ou nous laisserons LOF pour quelques jours. Un autre monde sans doute.

5e année n°5 - 27 fevrier 2012

Lundi 13 fevrier. Alors que peut-etre vous lisez La Lettre de LOF n°4, nous sommes dans le bus pour Colon. Objectif : acheter une batterie, du Sikaflex et faire des courses importantes au supermarche de Sabanitas : c'est que plus a l'est, il n'y a pas que la route panamericaine qui s'arrete et oblige les backpacker's a trouver un bateau pour passer en Colombie. Le ravito c'est plus qu'aleatoire. En quittant Portobelo, le paysage est magnifique, la route longe la mer, la vegetation est belle, les maisons sont propres, voire coquettes, il y a peu de circulation et notre chiken bus tres economique fonce, meme s'il s'arrete des qu'un passager lui fait signe. Mais des avant d'arriver a Sabanitas, tout change. La circulation est de plus en plus importante, on circule dans un immense chantier, au bord de la route les sols sont defonces, les ordures sont partout, bref on regrette d'avoir quitte Portobelo. Heureusement en entrant dans Colon, nous voyons a droite la Casa de las Baterias et un supermarche, juste apres. Il y a aussi de nombreuses fereterias. Apres avoir achete la batterie et le Sika, etre passes a la farmacia pour renouveler un medicament, nous nous baladons sur l'avenida central, plusieurs automobilistes dont un conducteur d'ambulance nous invitent fermement a marcher sur le terre-plein central et non le long des immeubles : "Peligroso !" est le seul mot qu'ils nous lancent. Nous marchons malgre tout jusqu'à la mer, jusqu'à l'abri derriere les jetees ou une trentaine de cargos attendent pour passer le canal. Puis nous dejeunons dans un petit restaurant tranquille dans un quartier auquel il ne manquerait que quelques soins pour apparaitre coquet. avant de revenir faire nos courses au supermarche de Sabanitas et rentrer chez nous en taxi car trop charges et fatigues pour reprendre le bus.

Preparatifs pour les San Blas : on nous a prevenus. Le ravitaillement en toutes choses y est aleatoire. Plein de carburants et il n'y a pas de station service a Portobelo il faut passer par un intermediaire qui prend sa commission, plein d'eau, Benoit nous prete ses filtres car l'eau des robinets n'est pas tres claire, plein de nourriture. Les magasins chinois de Portobelo sont assez achalandes, et nous completons les achats realises a Sabanitas.

Jeudi, cap sur les San Blas, un petit galop d'une vingtaine de milles contre l'alize pour atteindre Isla Grande, petit paradis que le tourisme n'a pas encore trop denature. Christine me fait un peu peur, victime d'un mal de mer qui lui ote la respiration. Le mouillage situe au debouche du canal entre l'ile et le continent s'avere rouleur et elle ne passera pas a table. Le lendemain matin, la sortie par le canal, plus courte, s'avere delicate a cause du vent et du courant contraires, mais bientot nous voici dans la mer libre et LOF peu a peu s'elance avec l'aide d'un vent et d'un courant devenus plus favorables : nous pouvons faire route directe au pres, avec toutefois un bord pour eviter le banc de Los Escribanos et nous deboulons a sept noeuds vers Cayos Chichime. L'entree dans le lagon difficile a voir de loin se revele a l'approche conforme a ce qu'ecrit le guide Bauhaus. Nous mouillons parmi de nombreux bateaux, abrites par le recif dans un decor de reve et nos premiers Kunas, Raoul et Idiana viennent deja nous proposer leurs mollas. Nous decidons de passer ici le week-end et nous debarquons sur ces ilots plantes de cocotiers ou des camps de toile sont installes pour les touristes.

Apres deux jours passes dans ce decor, ou nous avons fait la connaissance de Chantal (une autre) et Patrick, sur POMELO, leur Atoll 43, l'equipage a des fourmis dans les jambes. Apres quelques hesitations du capitaine, nous risquons, a cause du Carnaval, d'etre "over-time" et avec le vent de seize a dix-huit noeuds, le mouillage de Porvenir a la reputation de ne pas "tenir", nous appareillons pour quatre milles. Porvenir n'a d'autre interet que sa piste sommaire pour les avionnettes actuellement en travaux, un hotel et ses bureaux administratifs. Nous sommes bien "over-time", ca nous coutera deux fois vingt dollars, a l'immigration et a l'autorite portuaire. Ajoutes a la taxe d'immigration, a celle de la comarca Kuna, au permis de croisiere au Panama, valable un an ! ca fait 201 US$, presqu'aussi cher qu'au Belize, mais sans l'impression desagreable de s'etre fait voler ! Et encore les papiers de LOF attestent qu'il ne mesure que 9,40 metres, ce qui nous economise 90 US$. Enfin, nous voici en regle ! Nous repartons aussitot pour Lemmon's Cays, a trois milles. Cette fois, l'entree et la carte de Bauhaus ont quelques divergences. Heureusement que Michele de la proue guide le barreur, mais attention quand meme : 1,4 au sondeur ce n'est pas beaucoup pour LOF qui cale 1,57 metre lege, c'est a dire vide. Enfin nous voici mouilles a cote de POMELO de nos nouveaux amis Patrick et Chantal qui viennent gouter aux rillettes de thon preparees par Michele. A la BLU, nous gardons le contact avec Jean-Paul et les autres restes a Providencia et nous retrouvons Herve de BACHUS qui revient de Tahiti. Lundi, nous suivons Michele sur le recif et nous observons un requin dormeur bien pose sur le fond. Celui-ci n'est pas a moitie cache sous un rocher. Il y a aussi une famille de calamars que nous suivons. Nous rencontrons un cayuco avec le pere, la mere et un tres jeune enfant qui nous proposent des mollas. Nous en achetons et leur offrons en plus un tee-shirt et une robe. ils sont surement tres pauvres et leur vente et nos cadeaux leur mettent des sourires radieux. Puis, nous debarquons sur l'ilot d'Elefante et je peux ouvrir ma BAL Internet qui comporte 168 nouveaux messages que je ne lirai pas tous, tant s'en faut.

Nous avons negocie un rendez-vous avec Lisa, un travesti Kuna qui vit sur l'ile de Rio Sidra pour une excursion randonnee a terre. Nous nous approchons en allant tester un mouillage de Naguargandup Cays, a peine onze milles. Entree facile, mouillage tranquille et superbe devant une ile ou un campement de pecheurs de Rio Sidra est justement installe. Nous faisons la connaissance de Lalo qui vient a LOF pour nous demander des hamecons pour sa peche. Puis a terre, nous achetons des bracelets de perles a sa femme. Bien sur nous explorons aussi le recif sous la conduite de Michele : beaux coraux, mais peu de poissons, puis nous levons le mouillage pour Rio Sidra, pres de la cote.

Avec Michele, nous debarquons dans notre premiere communaute Kuna. Ina nous accueille au ponton en nous demandant : vous voulez voir Lisa ? Nous passons par une boutique ou nous payons notre droit d'entree au village : un dollar par personne, puis nous rencontrons Lisa, tres sympatique avec laquelle nous convenons du rendez-vous pour le lendemain matin : elle passera nous prendre avec la lancha de la communaute a huit heures. Puis notre guide nous fait visiter le village. En fait, sur cet ilot minuscule cohabitent deux villages : Mamartupu et Urgandi ou nous avons debarque. Celui-ci a trois mille habitants, l'autre huit cents. les maisons tres serrees sont des huttes devant lesquelles nous avons l'impression de croiser toute la population. Il faut dire qu'aujourd'hui, c'est la fete de la puberte et Lisa nous a prevenus : ce soir tout le monde sera ivre. Dans une salle tres sombre les femmes pres de l'entree et a l'exterieur, les hommes au fond ont deja bien commence a boire. Presque toutes les femmes portent le costume Kuna, tres colore, avec des robes decorees de mollas, des jambieres en perles, un anneau d'or dans la cloison nasale et un trait noir au milieu du front et du nez. Beaucoup d'enfants que souvent on nous presente en nous demandant nos noms. Nous sommes frappes par le nombre d'albinos que nous croisons. Nous voyons l'ecole, le restaurant, constructions en dur, La maison du congresso ou se reunissent les chefs, le futur centre de sante dont les moellons en tas attendent sans doute la fin de la fete. Ina nous presente sa maison et sa grand'mere. Quelques jeunes jouent au football sur une placette, d'autres ecoutent de la musique sur un poste de radio. Nous remarquons de nombreux panneaux solaires dans les allees du village et des conduites d'eau douce qui desservent les maisons. Nous voudrions acheter du pain, mais il n'y en a plus et a cette heure, le boulanger a d'autres soucis... Malheureusement si on nous montre tout, nous serions meme acceptes a participer a la fete, nous ne sommes pas autorises a faire des photos. A la tombee de la nuit, Ina nous reconduit vers notre annexe et nous rentrons au bateau tres marques par ce que nous avons vu.

Vendredi matin Lisa arrive un peu en avance avec le jeune pilote de la lancha de la communaute. Nous partons jusqu'a l'embouchure de la riviere rio Sidra. Sur la cote a cet endroit, il n'y a aucune construction. Nous empruntons un sentier bien trace qui penetre tout de suite dans la foret. Nous remarquons des ananas au bord du chemin, trop petits mais de tres belles couleurs. Bien sur il y a des bananiers, des manguiers, des fruits de la passion, et aussi des araignees et des fourmis en grand nombre. Pas d'autres animaux, a l'exception de quelques tres beaux papillons dont plusieurs Morphos bleus et des perroquets que nous entendons mais ne les voyons pas. apres un bon quart d'heure de marche, nous arrivons aux cimetieres, celui de la communaute et deux autres qui sont prives. Les tombes ne se distinuent que par un petit tas de terre allonge sur lequel il y a parfois des fleurs artificielles des coupes contenant des graines de chocolat pour attirer les bons esprits, et toujours une petite "croix de protection" qui n'est pas un symbole chretien nous dit Lisa, mais qui protege des mauvais esprits qui rodent en particulier au dessus des tombes des morts par accident, parce qu'ils sont morts trop jeunes. Les tombes sont abritees sous des toits generalement de palmes a la facon traditionnelle, quelquefois de toles ondulees ou de fibrociment, ce que Lisa regrette. Pres des tombes, des restes de foyers car on vient manger pres des morts. Puis nous marchons encore une heure et demie, en franchissant plusieurs fois la riviere a gue pour arriver a une cascade dans laquelle nos guides sautent apres y avoir lance la petite chienne de Lisa. Seul Jean-Claude relevera le defi. Nous nous baignons avec bonheur dans cette eau douce, puis notre guide nous propose un choix : redescendre par la foret ou par le rio ? Nous choisissons le rio pour ne pas rentrer par le meme itineraire. Nous voici partis. D'abord je glisse sur un rocher et je tombe. Une grosse bosse a l'occiput, je suis un peu sonne. Puis nous arrivons a une cascade qu'il faut franchir en canyionisme. Je bois la tasse dans l'eau pleine de bulles qui ne porte pas et je recupere de justesse mes lunettes. Plusieurs cascades se succedent que nous franchissons avec des fortunes diverses, surtout moi car Jean-Claude et Christine ont fait beaucoup de canyonisme en France et ma sirene nage comme... une sirene. A la dernere, je ne retrouve plus dans ma poche mon appareil photo etanche. Je crois bien qu'il est perdu malgre les plongees de nos guides kunas, lorsque Michele l'apercoit au fond de l'eau. Il est intact. Le chemin du retour nous semble un peu long et nous revenons au bateau a deux heures, fatigues et l'estomac dans les talons, mais ravis de notre excursion. Je precise toutefois que je ne recommencerais pas ! En fin d'apres-midi, nous retournons au village que Jean-Claude et Christine n'ont pas vu, mais la fete est finie, le temps est tres couvert et je trouve un air de tristesse aux allees et aux habitants.

Il nous reste a ramener nos amis a Lemmon's Cay d'ou une lancha puis un taxi collectif leur permettrons de rejoindre Panama et reprendre l'avion pour Madrid et Lyon Saint-Exupery. Dimanche matin , nous nous retrouvons seuls dans un bateau tout a coup devenu plus grand.

5e année n°4 - 13 fevrier 2012

Je vous ai laisses dimanche 29 a midi, apres cette premiere nuit assez eprouvante. L'apres-midi, le vent de nord-est nous a permis d'avancer dans la bonne direction, sous un ciel degage. La nuit suivante, le vent a molli progressivement, en meme temps que... les batteries, jusqu'à quatre heures du matin ou il a fallu mettre le moteur que nos n'avons plus arrete malgre quelques tentatives : avec une voilure reduite nous tirions des bords carres et n'avancions guere dans la bonne direction. Donc, moteur plus voilure reduite, avec un bout de genois quand le vent passe est-nord-est, grand voile seule quand il devient plus est. A la tombee de la nuit du troisieme jour, nous etions a 56 milles de Cayo Vivorillo ou nous esperions nous reposer.

Avant d'arriver a Cayo Vivorillo, juste avant l'aube du quatrieme jour, une odeur forte se degage de la cabine babord. La planche sous la couchette est chaude et dessous une des batteries de service bout. Nous coupons toute l'electricite du bord et isolons la batterie defectueuse, puis nous continuons notre route. Michele qui a tenu la barre pendant que je travaillais dit qu'elle a vu une aube magnifique ! Nous arrivons au havre de Cayo Vivorillo peu apres onze heures et mouillons a l'abri du recif avec cinq navires crevettiers. L'endroit est sauvage avec son long recif, ses ilots, j'ai envie d'ecrire ses "motus" boises, ses eaux turquoise et ses oiseaux sans doute attires par les cinq navires crevettiers. Michele dit qu'on se croirait en Polynesie. Repas au calme avec saucisses aux haricots rouges, repos et... toilette, ca devenait urgent.

On resterait bien quelques jours, mais les Grib Files nous disent que les vents seront plus defavorables si on attend. Deux grains violents egaient notre nuit par ailleurs paisible et le lendemain matin nous remontons le mouillage pour le paradis annonce de Providencia. Au debut, ca va plutot bien. L'alize force 4/5, legerement nord-est nous permet de suivre notre route. Mais deja deux grains tres fort viennent perturbe notre serenite retrouvee. Surtout, dans la nuit par deux fois l'anemometre monte a 40, puis 35 noeuds sous des averses violentes. et nous obligent a prendre la cape et a manoeuvrer au vent du recif alors que nous nous croyions, la deuxieme fois tires d'affaire. Puis lorsque nous pourrions abattre un peu, c'est a dire nous ecarter du vent, il nous suit et se renforce. Le distribil commence...

Les milles s'ajoutent au milles et la fatigue s'ajoute a la fatigue. Peu avant midi nous mettons a nouveau a la cape, cette fois pour prendre le troisieme ris. Nous reduisons aussi le pauvre genois qui a bien de la misere comme disait Colin notre jeune ami quebecois. A bord c'est le soulagement : ca cogne moins fort et on peut se deplacer presque normalement. Mais l'accalmie est de courte duree : le vent monte a force 6 et refuse nous interdisant la route directe vers Providencia ; les vagues sont tres fortes et tombent violemment sur le pont et dans le cockpit. Des entrees d'eau se font du cote d'ou elles viennent et ma couchette a un gout humide et sale. Heureusement, le soir les elements se calment un peu ; nous naviguons tout de meme au pres avec trois ris contre 20 a 23 noeuds d'alize, mais enfin nous pouvons dormir un peu, chacun son tour car il n'y aura pas de grain et pas de manoeuvre cette derniere nuit. Le matin les iles de Providencia apparaissent sous les nuages. Il faut encore trois heures pour venir laisser tomber notre ancre dans cette providence colombienne ou un plaisancier francais vient nous accueillir avec son annexe pour nous guider dans le mouillage. Michele ouvre une biere pour la fin de notre galere et nous pouvons dejeuner a table, dans des assiettes avec de delicieuses pommes sautees au lard et aux oignons. Mais nous sommes assez fatigues, l'apres-midi est calme, meme Michele se repose et ne va pas explorer les fonds sous-marins. Ce sera pour demain et les prochains jours que nous projetons de passer ici.

L'ile de Providencia se decouvre a nous peu a peu. Ned, voir plus loin, nous dira que c'est comme les Antilles il y a un demi-siecle. C'est vrai que le tourisme est peu developpe ici, les habitants sont souriants, ne nous importunent pas pour nous vendre quoi que ce soit, excepte les rares taxis, les moyens d'acces sont limites et obligent a passer par San Andres a une cinquantaine de milles au sud, qui elle a ete completement investie par les promoteurs, les hotels et autres structures. Une route de 18 km fait le tour de ce petit paradis ou vivent environ quatre mille iliens, regroupes le long de cette chaussee unique. Dans ce petit paradis, lorsque nous sommes montes au sommet du "pic", a 360 metres d'altitude, nous avons rencontre des troupeaux de bovins a oreilles d'ane, et de gros lezards bleu electrique ou noirs avec une bande doree sur le dos. Du sommet, d'ou l'on apercoit la quasi totalite de l'ile on ne voit que de la vegetation et tout autour le lagon avec sa barriere de corail de 32 km. Nous en avons fait deux fois le tour, dimanche, en auto stop apres avoir attendu en vain le "chiva", le bus qui ne circule pas le dimanche. Ca nous a permis de faire la connaissance d'un jeune vacancier canadien, Ned, qui nous a conduits jysqu'a la bahia Suroeste, d'ou nous sommes revenus en buggy avec Andres y Viviana, jeune couple de Santiago du Chili qui nous ont invites a monter sur leur vehicule en nous depassant. Lundi, nous avons profite de l'organisation par Hans et Linda, couple neerlandais, avec Catherine et Jean-Paul de SPIROU, OVNI 36, et Chantal et LUC de LEO MINOR de la balade au pic. Les deux matinees se sont terminees sur la plage de Soroeste au restaurant el Nino ou nous avons fait une orgie, non deux, de poisson grille, crabe, langouste et lambis. delicieusement prepares. On est si bien a Providencia et puis le bateau a toujours besoin de quelque attention et nous restons une journee de plus avec nos nouveaux amis et tout le monde se retrouve le mardi soir sur LEO MINOR, Sun Odyssey 40.3 pour un aperitif offert par Luc et Chantal. Eh oui, encore un ! C'est qu'au fil du temps les escales sont devenues le meilleur moment de la croisiere, les etapes contre le vent ont surtout pour vocation de me permettre de retrouver la ligne.

Mercredi, LOF a repris la mer des neuf heures et le vent nous accompagne : nous ferons 144 milles dans les premieres vingt quatre heures, entre le bon plein et le travers car l'alize est changeant, mais six noeuds quand meme et dans la bonne direction. Nous reprenons les vacations BLU avec Jean-Paul, mais celle du soir est interrompue par une jolie bonite qui fera notre dejeuner de jeudi. Nous avancons bien encore toute la nuit et la matinee de jeudi, puis le vent commence a mollir. A trois heures, il nous reste 75 milles. A la vacation radio de six heures, nous sommes toujours a la voile, c'est inespere car il y a rarement du vent a l'approche des cotes de Panama. Au debut de la nuit toutefois, le vent reprend et passe au nord. Nous tirons deux bords de grand largue entre les cargos pour arriver au matin en vue de notre point d'atterrissage. Le temps est completement bouche, mais l'entree de la baie a la vegetation luxuriante est large. Des dizaines de voiliers sont deja au mouillage. Nous trouvons une place pas trop loin des pontons, toujours a cause notre petite annexe et aussi pour voir Christine et Jean-Claude qui doivent nous rejoindre aujourd'hui et nous allons recuperer dans nos bannettes.

Jean-Claude et Christine arrivent en debut d'apres-midi, l'annexe n'est pas encore gonflee. Ils sont bien fatigues par leur voyage et nous restons longtemps a bavarder dans le cockpit, jusqu'a l'arrivee de Benoit, une vieille connaissance, rencontre au Venezuela, retrouve a Antigua, puis aux Iles Vierges et au Rio Dulce. Il m'emmene a terre pour me montrer les ressources de Portobelo. Le village n'est pas tres etendu, malgre son passe prestigieux dont temoignent les ruines des fortifications construites par les Espagnols,ainsi que le batiment des douanes. Tout ceci est inscrit au Patrimoine Mondial de l'Humanite. Michele et nos amis debarquent a leur tour pour faire quelques courses. Retour sur LOF et soiree tranquille.

Samedi soir, il y a fete au village : ce sont les premices du Carnaval. Nous allons manger une pizza chez le pizzaiolo-boulanger recommande par Benoit, puis nous nous installons sur un banc devant la place. Quelques hommes deguises et maquilles font un peu d'animation, puis, tandis que les stands de brochettes et autres grillades semblent annoncer une longue nuit de fete, nous assistons au passage de deux groupes. Le premier est compose d'enfants dont une partie de tres jeunes qui dansent au rythme des percussions conduites par un trompettiste qui n'a pas douze ans. Puis arrive un groupe d'adultes, avec a leur tete une reine suivie d'un groupe de danseurs et de percussionnistes deja tres en verve qui bloquent la circulation dont le vehicule de la police pendant pres d'une heure. Mais nous sommes fatigues, moi surtout qui souffre d'un mal de dos depuis pres de quinze jours, et nous reprenons le "chemin" du retour vers LOF qui nous attend toujours sagement au mouillage...

Dimanche a Portobelo, la matinee comme souvent est mediocre. Michele et Christine vont sur Internet : le blog aura sans doute un nouvel article. Corvee d'eau pour remplir un reservoir vide de LOF, verification des batteries avant un deplacement a Colon demain, petits travaux habituels... Hier a la pizzeria, nous avons rencontre un couple quebecois sur un vieil Amel sur lequel tout avait lache successivement. LOF est bien sage a cote. L'apres-midi, pendant que Michele et Christine vont a la plage, Jean-Claude soigne sa "tourista" et moi je bricole avec mon dos fatigue et je prepare l'envoi de La Lettre.

5e année n°3 - 30 janvier 2012

ATTENTION : Repondez-nous, car nous aimons recevoir vos messages. Mais ne nous renvoyez pas La Lettre avec sa liste de destinataires : a chaque fois ce sont pres de 10 minutes de connexion perdues et nous n'avons droit qu'a 90 miinutes par semaine. Si 9 d'entre vous nous renvoient La Lettre, nous ne pouvons plus communiquer. Nos batteries non plus ne sont pas inepuisables. Merci.

Ben finalement nous sommes restes un jour de plus a Cayo Quemado : la premiere nuit, celle de dimanche a lundi a ete agitee avec deux orages violents, le premier vers huit heures et demie le soir : des trombes d'eau, un vent violent tourbillonnant, l'ancre qui derape. Remettre le moteur pour ne pas accoster les premieres maisons, puis relever quarante-cinq metres de chaine et aller mouiller un peu plus loin. A deux heures du matin, rebelotte, mais cette fois, peut-etre un peu moins de violence du vent, l'ancre semble tenir et un quart d'heure apres nous avons pu nous recoucher. Le matin, pluie toujours, ciel bouche. Comme en mer les Grib Files de meteo me conseillent aussi d'attendre un jour, nous attendons,... en bricolant pour ne pas perdre la main : un peu de matelotage pour reparer des amarres, proteger l'alimentation electrique de la pompe de cale (on pense toujours aux fuites !) L'apres-midi, nous voyons arriver NAILWEB qui vient mouiller a cote de nous. Eduardo, notre ami indien passe boire un coup en rentrant avec sa lancha et c'est deja la nuit qui recommence.

Mardi, nous levons le mouillage a dix heures apres avoir embrasse Yvonne et Didier qui me donne une photocopie couleur de la carte des San Blas. Nous laissons passer encore un orage et nous attendons pour relever le mouillage, puis nous prenons le rio vers la mer et, miracle, le ciel s'eclaircit peu a peu. A Livingston, nous debarquons pour depenser nos derniers quetzales en completant les provisions de denrees perissables du bord et apres un rapide dejeuner, nous franchissons la barre avec la maree haute (51 cm). Le vent se leve de face et le bord nous permettrait de sortir de la baie d'Amatique, mais nous remettons le moteur pour aller sagement passer la nuit a l'ancre sous le Cabo Tres Puntas ou nous allons saluer les pecheurs locaux sur leur ponton..

Mercredi, LOF prend la mer pour rejoindre l'ile d'Utila que nous commencons a connaitre puisque ce sera notre troisieme visite. Le vent est au nord est et les Files nous annoncent une bascule au nord nord est qui nous permettrait de faire route directe. Un vent assez fort au Cabo Tres Puntas me fait greer la trinquette par prudence. Il faut regler l'etai volant qui est trop mou. Je travaille un bon moment a l'avant et lorsque je reviens dans le cockpit, je ressens le mal de mer. Michele fait face. Puis le vent descend un peu et la mer devient plus maniable. Nous renvoyons le genois. Malheureusement les choses ne vont pas toujours comme elles devraient et comme l'an dernier le vent tourne dans le mauvais sens a l'approche de Puerto Cortes a la tombee de la nuit. Malgre un bord vers le large, le vent qui faiblit et refuse nous ramene vers la cote. Finalement vers minuit et demie je mets le moteur pour avancer dans la bonne direction. Apres quelques hesitations sous des orages, le vent tombe completement. Nous essayons bien de remettre a la voile dans la matinee, mais a moins de deux noeuds, nous n'arriverions pas aujourd'hui. Finalement, vers quatre heures l'apres-midi, jeudi, LOF mouillle dans la baie d'Eastern Harbour a Utila.

Le lendemain, nous debarquons au centre de plongee Paradise Divers ou nous sommes accueillis par Michel le responsable que nous connaissons deja. Michele regrette un peu que Marie-Michele, son instructrice quebecoise de l'an dernier ne soit plus a Utila. Elle se console avec Fanch un jeune breton avec lequel elle plonge deux fois. l'apres-midi. Mais les grib files, notre meteo sur Sailmail me disent qu'il faut partir sous peine d'etre bloques ici pour une semaine par un alize un peu trop muscle. Elle ne verra pas les requins baleines cette annee encore.

Samedi nous nous levons avec le jour. Le vent souffle deja a 15 noeuds, d'est-nord-est dans l'abri du mouillage. Notre route est au 50 pour West End Bay sur Roatan. Pas de chance. Mais heureusement, une fois dehors, le vent a 17/18 noeuds est plutot a l'est. Nous pourrons faire un cap a 15 degres au dessus de la route. Nous avons par prudence gree la trinquette et pris un ris que nous relacherons bientot, le vent ayant tendance a mollir. Il reviendra a 19 noeuds pres de l'arrivee en tournant vers le nord et nous mettrons le moteur en appui la derniere demie-heure pour nous eviter deux bords supplementaires fastidieux et arriver ainsi au mouillage avant quatre heures. Belle journee de navigation, mais nous n'avons pas encore le rythme et ce soir, c'est Michele qui est epuisee.

Dimanche, nous debarquons. A West End dont l'unique rue est en sable durci par l'eau de mer toute proche, ce n'est pas encore la saison touristique et plusieurs gros engins font ou refont l'assainissement. Des trous partout. La chaussee deviee sur la plage ou les vehicules qui ne sont pas tous terrains s'ensablent. Nous dejeunons de Baleados dans une barraque, Michele a trouve un cybercafe pour publier le premier article du blog pour cette saison : www.lofrene.over-blog.com. Allez-y pour voir ses premieres photos et voir ou revoir celles des precedentes saisons. Puis nous marchons sur la plage jusqu'a West Bay, station balneaire beaucoup plus chic que West End.

Les Grib Files nous prevoient un alize fort jusqu'a samedi et ensuite une bascule au nord, faible. Ce sera peut-etre avec moteur et pluie. En attendant, nous allons payer notre bouee au Marine Park, 40 US$ pour la semaine. Michele a repere beaucoup de belles langoustes dont une petite famille juste sous LOF, mais ici c'est la reserve et nous mangerons les saucisses sous plastique en pensant a ces petites betes protegees. Nous prenons contact avec Monique et Eddy, rencontres l'an dernier au supermarche de French Harbour. Nous les invitons pour un dejeuner a bord. Puis ce sont eux qui nous recoivent et nous pouvons constater sur leur terrasse exposee que l'alize est reellement tres fort : les paquebots de croisiere qui habituellement s'arretent en face de leur maison ont renonce ce matin a venir a quai avec cet alize qui les prend par le travers, et nous meme apres l'aperitif il nous faut rentrer a l'abri dans la maison. Monique nous emmene au supermatche pour depenser nos Lempiras en avitaillement du bateau. Sur la plage de West Bay nous rencontrons aussi Arnaud avec qui nous avions termine notre navigation en mai dernier, de Placencia au Rio Dulce. Il est seul : sa copine est venue passer trois semaines avec lui, mais elle est retournee en France : il dit elle n'est pas aquatique. La femme ou la mer, il faut parfois choisir. Moi j'ai eu de la chance..

Vendredi matin, les Grib Files nous reservent une mauvaise surprise : la bascule au nord est retardee de plusieurs jours. Il faudra faire avec l'alize d'est a nord-est. Nous decidons de partir quand meme. Dernier voyage a terre avec l'annexe, pour depenser nos derniers Lempiras, pour une connexion Internet et Skype, derniere plongee pour Michele. Le temps sur le lagon est magnifique. Samedi, nous larguons la bouee a huit heures avec un alize de dix noeuds. Passee le pointe ouest de Roatan, il nous oblige a faire un bord au sud pour nous degager de la cote cet de ses dangers. Peu a peu ce vent leger s'etablit, dix noeuds, douze, quatorze. VPeu a pres trois heures l'apres-midi nous virons devant le recif de French Harbor ou deux voiliers entrent se mettre a l'abri. Ne sont-ils pas les plus sages ? Peu avant la nuit, en effet le vent monte a 20 noeuds de vent reel. Un ris, six tours dans le genois, deux ris. Ce sera comme ca jusqu'au milieu de la nuit ou le vent baisse un peu. Au lever du jour, nous sommes a l'est de Guanara, la troisieme des iles de la baie que nous ne connaissons pas et ne visiterons pas Depuis hier soir, de petits grains nous tombent dessus par intervalles. Parfois le vent remonte un peu vers le nord, ca ameliore notre route. A midi, nous avons parcouru 114 milles, mais seulement 60 dans la bonne direction.

5e année n°2 - 16 janvier 2012

Apres ces jours festifs, cf la precedente Lettre, vous pensiez que nos foies, estomacs et intestins allaient prendre un peu de repos ? Il n'en fut rien car le 2 est le jour de mon "compleanos" en meme temps que celui des 41 ans de mariage des P'TIT BOUT 2. Le 5 est l'anniversaire de Gilbert, el jeffe de la Casa GYSA. Nous irons feter cela en un seul voyage au restaurant des Backpacker's, dont le nom signifie ceux qui voyagent sac à dos. Nous attendrons le 3 janvier pour cela parce que 2+2+5=9:3=3. Vous avez compris ? Non ? Tant pis pour vous, vous ne meritez meme pas le certificat d'etudes primaires, vous avez zero en arithmetique. Pour cette sortie collective, a bord de la lancha Casa GYSA, nous enfilons cires et polaires car avec la pluie latemperature a baisse. Nous mangeons des "ceviche". Pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont de fruits de mer en salade, avec tomates coupees menu et coriandre, le tout plus ou moins epice.

En attendant, Michele et moi nous remettons au travail de preparation du bateau, il faudrait surtout dire de nettoyage de la catastrophe de Marvin, cf La Laettre n° 0, tout en debattant de l'intensite de la pluie. Michele dit qu'il ne pleut pas beaucoup, moi je constate que le niveau du Rio Dulce a monte de plus de 20 cm en quelques jours et que la prairie sous le ponton est inondee, ce qui est tres joli avec toutes les lentilles d'eau apparues comme une generation spontanee sous les grands arbres. Le panneau solaire de LOF, d'ordinaire si efficace, ne recharge pas suffisamment les batteries qu'il faut alimenter presque tous les jours au reseau local d'electricite. Donc il ne pleut pas beaucoup dis-je, car si j'ecris le contraire je m'entends dire que je suis un pessimiste, que je deprime mes lecteurs, et que je verrai bien l'hiver prochain que je passerai a Villeurbanne avec le froid et le grisaille en plus. Donc nous nettoyons le bateau, traitons la rouille qui attaque certains accessoires du moteur, recollons le vaigrage de la descente, traitons le teck des bancs de cockpit, installons deux taquets sur le mat pour le lazy jack. Carlos revient nous voir jeudi : la sortie en mer a ete ecourtee a cause des pluies et comme il l'avait promis, il revient regler le carburateur du moteur d'annexe qui tourne maintenant parfaitement meme au ralenti. Il nous arrive meme de demarrer le moteur de LOF, pour le plaisir de l'entendre partir au premier coup de cle. Jeudi soir nous invitons pour un Cuba Libre Colette et Philippe qui sont venus, accompagnes de Yannick, pour acheter du bois pour construire leur ponton a Cayo Quemado.

Fin de semaine, remontage des pieces derouillees du moteur et reglage de la tension de la courroie de l'alternateur d'arbre, nettoyage des fonds. Samedi nous profitons d'une journee de beau temps pour enlever et nettoyer la grande bache, reinstaller capote et bimini, greement courant, verification du mat : RAS, pas comme Didier de Nailweb qui doit changer son etai d'enrouleur qui est tres endommage avec un toron casse. LOF reprend son allure d'infatigable voyageur ! La Lettre va bientot raconter des navigations ! Dimanche nous dejeunons tous ensemble sous le carbet. Le barbecue est allume et chacun a apporte ses grillades, un accompagnement et... de quoi boire. Il fait beau et l'apres-midi se passe, un peu a refaire le monde, beaucoup a echanger nos histoires de navigations et d'escales.

Lundi nous reprenons le travail ! Ce matin, c'est le feu de balcon avant, puis le spot de cockpit pour lequel nous cherchons en vain les lampes apportees par Michele. Ou ai-je pu les ranger, puisque je m'en souviens, elles ne rentraient pas dans la boite des lampes de rechange ? Il reste encore le feu de pont qu'il faut demonter pour pouvoir changer la lampe. Ensuite, plein de gazole et avitaillement du bateau pour deux ou trois semaines et nous serons prets. Mercredi peut-etre ? Mardi nous greons la grand voile en decouvrant que de petites reparations seront a prevoir des que possible. Puis nous sortons LOF de la marina pour aller faire le plein de carburants, gazole pour LOF essence pour le hors-bord et huile pour le diesel. Ici le gazole est a 33,10 Q le gallon, 3,75 litres environ, c'est encore moins d'un euro le litre malgre l'augmentation. Puis nous mouillons devant le village pour faire l'avitaillement pour trois semaines et quelques achats comme une lampe pour le spot de cockpit car nous n'avons pas retrouve les autres. Mardi soir nous offrons notre pot de depart dans le cockpit de LOF qui a atteint l'etat instable dont parle Antoine : celui ou tout fonctionne a bord, par rapport a l'etat stable lorsqu'il y a au moins une panne.

Mercredi alors que nous allions larguer les amarres arrivent Claudia et Roland de GHOST RIDER, de retour de presqu'un mois de voyage terrestre au Honduras, Nicaragua, Costa-Rica et Salvador. Une petite heure est vite passee et nous decidons comme l'heure avance de venir mouiller ce soir devant leur marina, de l'autre cote du pont, a cote de RAM ou nous etions en 2010. Nous passons la soiree avec eux en degustant un delicieux carpaccio de lomito arrose d'un punch... histoire d'oublier que l'etat instable n'a pas dure : le detecteur signale une tres grosse fuite electrique. Toutes les diodes, vertes, jaunes et rouges sont allumees : c'est l'arc en ciel.

Jeudi matin, nous levons le mouillage a dix heures pour descendre le rio et traverser le Golfete. Trois petites heures de navigation pour arriver jusqu'a Cayo Quemado devant le terrain achete par Philippe, ou son catamaran BITIBIS est mouille. L'apres-midi Philippe et Colette nous font visiter leur petit paradis en devenir, puis j'entreprends la recherche de cette fuite electrique. Sans succes.

Le soir, nous admirons un ciel sans nuage ou les etoiles brillent de tout leur eclat, mais pendant la nuit la pluie revient, tres forte et continue le matin. Nous partons quand meme sous les rafales d'eau avec la lancha de Philippe pour Livingston. Les gorges du Rio sous la pluie avec le moteur de 40 ch de la lancha, c'est un quart d'heure au lieu de pres de deux heures avec LOF. C'est aussi un spectacle different des trajets que nous avons effectues sous le soleil. Ils vont faire quelques courses. Nous en profitons pour faire les formalites de sortie du Guatemala, sans passer par Raoul, l'agent Servimar. Nous economisons le prix du repas de midi au restaurant. Au retour, apres avoir fait provision d'eau douce a une source qui cascade le long de la falaise, nous nous arretons chez Martine qui avec son mari Andre ont achete un morceau de mangrove dont ils ont fait un magnifique jardin botanique avec l'apport de beaucoup de terre et de pierres qui ont ete maconnees. Le sol est instable malgre tout et quand le rio monte...

Samedi matin, il pleut encore. Je trouve la cause de la fuite electrique : c'est le cable d'alimentation de la BLU qui coince sur une corniere est presqu'entierement denude. Je repare et remonte : plus de fuite ? mais si, il y a encore quelque chose d'intermittent lorsqu'on ouvre ou referme le tableau electrique. A verifier. L'apres-midi nous enlevons la peinture sur le rail d'ecoute de grand voile qui est bloque. Les oreilles de Marvin doivent retentir des noms d'oiseau prononces par Michele.

Dimanche matin, Colette et Philippe nous quittent pour aller a La Capitale pour leurs passeports. Le temps est toujours maussade, comme chaque matin et ca s'arrange temporairement l'apres-midi. N'ayant plus de raison de rester, nous nous deplacons vers le village de Cayo Quemado pour etre prets a partir vers Livingston et l'ile d'Utila. Sauf nouvel avatar, la navigation maritime commence demain.

Hasta luego !

5ème année n° 1 - 2 janvier 2012

Lundi 19 decembre au matin, il pleut encore et toujours. Jean-Noel guette une eclaircie pour traverser la laguna. Il aura vite fait de regler les problemes de connexion du GPS. L'installation du nouvel autoradio prendra un peu plus de temps, peut-etre a cause d'une notice pas tres claire ou pas tres bien traduite. Enfin, ca marche. Je l'invite à partager mon dejeuner, puis il s'occupe d'Internet, mais pas de chance, pas de « passerelle » chez Turbonett ! Donc pour l'instant ca ne marche pas.

Les journees commencent a defiler. Elles ne sont pas tres longues car nous nous levons entre sept et huit heures. Chacun prend son petit dejeuner dans son bateau, puis le travail commence, car sauf Jean-Pierre et Eliane, tous les autres ont des ameliorations ou de l'entretien a faire. Et puis il faut aller a Fronteras pour changer de l'argent - tiens, la Banrural ne change plus les euros jusqu'a l'annee prochaine m'a-t-on repondu au guichet - et ensuite faire ses courses alimentaires et de bateau. Surtout de bateau ! Si l'alimentation ne pose pas de probleme, on trouve facilement a peu pres tout, avec des prix divises par deux ou trois par rapport a la France, mais c'est tres cher pour les locaux ! j'ecris locaux, parce que Guatemalteque, c'est tres long, les courses pour le bateau necessitent une enquete prealable pour savoir ou on peut trouver ce dont on a besoin. Comme je n'ai pas encore remis en service le moteur de l'annexe, j'attends Carlos pour le faire, je profite des deplacements de Jean-Charles et Francoise. L'apres-midi, a partir de cinq heures et quart on n'y voit plus tellement et c'est l'heure des moustiques. Dommage, car ca nous prive de tres beaux couchers de soleil.

Mercredi, il fait enfin beau et chaud. La pluie a cesse et l'apres-midi on essaie de travailler a l'ombre, mais pas a l'interieur du bateau ou la temperature atteint deja 30°C. COLIBRI et NAILWEB sont revenus du carenage et les femmes, surtout Eliane commencent a preparer le reveillon et le repas de Noel que nous ferons tous ensemble : nous serons huit le soir du 24 et douze le jour de Noel car Gilbert et sa famille se joindront a nous. Nous voulions manger du gigot, enfin quand j'ecris nous, ce sont les femmes qui decident, mais il n'a pas ete possible de trouver d'agneau a acheter, il fallait acheter la bete entiere et meme comme ca, Yeye n'en a pas trouve. Nous nous rabattrons sur du "lomito", c'est a dire du filet de boeuf, excellent.

J'ai commence a eplucher la peau d'orange epaisse de la peinture du pont pres du capot avant, un des endroits non seulement rates, mais ou la peinture n'est toujours pas seche pres de six mois apres avoir ete passee. Sans doute trop de diluant, des couches qui ne couvraient pas, et on a essaye d'y remedier par des couches epaisses. Travail de longue haleine qui se poursuivra sans doute aux mouillages. Carlos vient enfin le 24 decembre, mais ca n'est pas tout a fait le Pere Noel et le moteur ne veut pas demarrer. On s'y recolle mardi. Chaque annee c'est difficile apres plus de six mois pendant lesquels il n'a pas tourne.

La pluie revient vendredi apres-midi. Vendredi soir il y a un orage violent et la foudre tombe tout pres. Je coupe l'alimentation electrique apres le premier coup de tonnerre. Sur le bateau de Jean Noel l'ecran et la carte mere de son ordinateur n'ont pas resiste..

Nous avons reveillonne sous l'abri du carbet, entre navigateurs francais amarres a la Casa GYSA, sous la pluie qui tambourinait sur les toles, avec en fond sonores les petards qui sont de toutes les fetes au Guatemala. Et lorsqu'il a ete minuit, une sorte de bouquet final d'une intensite sonore remarquable nous a indique l'heure, sans que nous ayions eu besoin de montre. Rebelotte dimanche a midi avec l'aperitif offert par le "patron" agremente d'un retour tres provisoire du soleil. La cuisse de porc du Reveillon cuisine sur le barbecue avait un delicieux parfum de gigot et le lomito du dimanche etait tendre et gouteux comme on l'aime.
Apres ces bombances, il faut adopter un regime moins calorique, d'autant que mercredi c'est la fete d'anniversaire de Jean-Noel et c'est a nouveau l'occasion d'un repas au cours duquel nous disons aussi au revoir a COLIBRI. Jean-Pierre et Eliane nous quittent l'apres-midi pour prendre la route de Panama et du canal. Je m'occupe a essayer d'enlever avec de la soude caustique les taches de peinture sur la jupe et sur les bancs du cockpit. Le resultat n'est pas nul, mais ce n'est pas la perfection non plus. Surtout, il ne fait pas beau : quelques gouttes de pluie seulement lundi et mardi, mais le ciel reste menacant et les rares apparitions du soleil sont breves.

L'anniversaire de Jean-Noel a ete un bon moment. Avec les courses de la matinee a Fronteras et El Relleno, avec Yeye, comme beaucoup, je n'ai rien fait d'autre. Carlos que j'attendais justement mardi, puis mercredi arrive jeudi, alors que je ne l'attendais plus : il devait partir en mer. Depart retarde de deux jours, il arrive peu avant dix heures et nous nous mettons au travail. Finalement, c'est le relais qui commande les bougies de prechauffage qui est hors d'usage. Nous allons jusqu'a Morales pour tenter d'en trouver un. Le fournisseur telephone longuement a "La Capitale" : de ce modele, il n'y en a pas au Guatemala. Nous decidons de mettre un "switch", un interrupteur. A six heures, ca fonctionne, le hors-bord fonctionne aussi, les filtres de gazole ont ete changes sur LOF. On a bien avance ce 29 decembre, journee ensoleillee par ailleurs. Le soir apero sous le carbet avec les P'TIT BOUT, NAILWEB et Yannick de TY YANN de retour d'un rapide voyage en France pour le deces qui repart demain vers Panama.

Vendredi, je remets un peu d'ordre dans le bateau. Il y en a bien besoin, surtout apres la journee de jeudi ou on a tout sorti. Michele arrive cet apres-midi par le bus a deux heures et demie. Mais deja nous sommes le 30 decembre, le reveillon c'est demain soir.

Presque les memes convives que la semaine passee, sauf Jean-Pierre et Eliane qui sont partis et Michele qui est arrivee. Le lomito est a l'honneur et les petards aussi. A minuit, la pluie a bien voulu nous accorder un repit et nous assistons a des feux d'artifice sur tout l'horizon. Les petards aussi bien sur, encore plus fort que le soir de Noel. Didier et Jean-Charles tentent de rivaliser avec une interessante debauche d'explosifs divers qui nous rendent sourds. Dimanche le dejeuner du Jour de l'An toujours collectif est plus paisible, peut-etre un peu de fatigue de toutes ces bombances ?

5e année n°5 - 27 fevrier 2012

Lundi 13 fevrier. Alors que peut-etre vous lisez La Lettre de LOF n°4, nous sommes dans le bus pour Colon. Objectif : acheter une batterie, du Sikaflex et faire des courses importantes au supermarche de Sabanitas : c'est que plus a l'est, il n'y a pas que la route panamericaine qui s'arrete et oblige les backpacker's a trouver un bateau pour passer en Colombie. Le ravito c'est plus qu'aleatoire. En quittant Portobelo, le paysage est magnifique, la route longe la mer, la vegetation est belle, les maisons sont propres, voire coquettes, il y a peu de circulation et notre chiken bus tres economique fonce, meme s'il s'arrete des qu'un passager lui fait signe. Mais des avant d'arriver a Sabanitas, tout change. La circulation est de plus en plus importante, on circule dans un immense chantier, au bord de la route les sols sont defonces, les ordures sont partout, bref on regrette d'avoir quitte Portobelo. Heureusement en entrant dans Colon, nous voyons a droite la Casa de las Baterias et un supermarche, juste apres. Il y a aussi de nombreuses fereterias. Apres avoir achete la batterie et le Sika, etre passes a la farmacia pour renouveler un medicament, nous nous baladons sur l'avenida central, plusieurs automobilistes dont un conducteur d'ambulance nous invitent fermement a marcher sur le terre-plein central et non le long des immeubles : "Peligroso !" est le seul mot qu'ils nous lancent. Nous marchons malgre tout jusqu'à la mer, jusqu'à l'abri derriere les jetees ou une trentaine de cargos attendent pour passer le canal. Puis nous dejeunons dans un petit restaurant tranquille dans un quartier auquel il ne manquerait que quelques soins pour apparaitre coquet. avant de revenir faire nos courses au supermarche de Sabanitas et rentrer chez nous en taxi car trop charges et fatigues pour reprendre le bus.

Preparatifs pour les San Blas : on nous a prevenus. Le ravitaillement en toutes choses y est aleatoire. Plein de carburants et il n'y a pas de station service a Portobelo il faut passer par un intermediaire qui prend sa commission, plein d'eau, Benoit nous prete ses filtres car l'eau des robinets n'est pas tres claire, plein de nourriture. Les magasins chinois de Portobelo sont assez achalandes, et nous completons les achats realises a Sabanitas.

Jeudi, cap sur les San Blas, un petit galop d'une vingtaine de milles contre l'alize pour atteindre Isla Grande, petit paradis que le tourisme n'a pas encore trop denature. Christine me fait un peu peur, victime d'un mal de mer qui lui ote la respiration. Le mouillage situe au debouche du canal entre l'ile et le continent s'avere rouleur et elle ne passera pas a table. Le lendemain matin, la sortie par le canal, plus courte, s'avere delicate a cause du vent et du courant contraires, mais bientot nous voici dans la mer libre et LOF peu a peu s'elance avec l'aide d'un vent et d'un courant devenus plus favorables : nous pouvons faire route directe au pres, avec toutefois un bord pour eviter le banc de Los Escribanos et nous deboulons a sept noeuds vers Cayos Chichime. L'entree dans le lagon difficile a voir de loin se revele a l'approche conforme a ce qu'ecrit le guide Bauhaus. Nous mouillons parmi de nombreux bateaux, abrites par le recif dans un decor de reve et nos premiers Kunas, Raoul et Idiana viennent deja nous proposer leurs mollas. Nous decidons de passer ici le week-end et nous debarquons sur ces ilots plantes de cocotiers ou des camps de toile sont installes pour les touristes.

Apres deux jours passes dans ce decor, ou nous avons fait la connaissance de Chantal (une autre) et Patrick, sur POMELO, leur Atoll 43, l'equipage a des fourmis dans les jambes. Apres quelques hesitations du capitaine, nous risquons, a cause du Carnaval, d'etre "over-time" et avec le vent de seize a dix-huit noeuds, le mouillage de Porvenir a la reputation de ne pas "tenir", nous appareillons pour quatre milles. Porvenir n'a d'autre interet que sa piste sommaire pour les avionnettes actuellement en travaux, un hotel et ses bureaux administratifs. Nous sommes bien "over-time", ca nous coutera deux fois vingt dollars, a l'immigration et a l'autorite portuaire. Ajoutes a la taxe d'immigration, a celle de la comarca Kuna, au permis de croisiere au Panama, valable un an ! ca fait 201 US$, presqu'aussi cher qu'au Belize, mais sans l'impression desagreable de s'etre fait voler ! Et encore les papiers de LOF attestent qu'il ne mesure que 9,40 metres, ce qui nous economise 90 US$. Enfin, nous voici en regle ! Nous repartons aussitot pour Lemmon's Cays, a trois milles. Cette fois, l'entree et la carte de Bauhaus ont quelques divergences. Heureusement que Michele de la proue guide le barreur, mais attention quand meme : 1,4 au sondeur ce n'est pas beaucoup pour LOF qui cale 1,57 metre lege, c'est a dire vide. Enfin nous voici mouilles a cote de POMELO de nos nouveaux amis Patrick et Chantal qui viennent gouter aux rillettes de thon preparees par Michele. A la BLU, nous gardons le contact avec Jean-Paul et les autres restes a Providencia et nous retrouvons Herve de BACHUS qui revient de Tahiti. Lundi, nous suivons Michele sur le recif et nous observons un requin dormeur bien pose sur le fond. Celui-ci n'est pas a moitie cache sous un rocher. Il y a aussi une famille de calamars que nous suivons. Nous rencontrons un cayuco avec le pere, la mere et un tres jeune enfant qui nous proposent des mollas. Nous en achetons et leur offrons en plus un tee-shirt et une robe. ils sont surement tres pauvres et leur vente et nos cadeaux leur mettent des sourires radieux. Puis, nous debarquons sur l'ilot d'Elefante et je peux ouvrir ma BAL Internet qui comporte 168 nouveaux messages que je ne lirai pas tous, tant s'en faut.

Nous avons negocie un rendez-vous avec Lisa, un travesti Kuna qui vit sur l'ile de Rio Sidra pour une excursion randonnee a terre. Nous nous approchons en allant tester un mouillage de Naguargandup Cays, a peine onze milles. Entree facile, mouillage tranquille et superbe devant une ile ou un campement de pecheurs de Rio Sidra est justement installe. Nous faisons la connaissance de Lalo qui vient a LOF pour nous demander des hamecons pour sa peche. Puis a terre, nous achetons des bracelets de perles a sa femme. Bien sur nous explorons aussi le recif sous la conduite de Michele : beaux coraux, mais peu de poissons, puis nous levons le mouillage pour Rio Sidra, pres de la cote.

Avec Michele, nous debarquons dans notre premiere communaute Kuna. Ina nous accueille au ponton en nous demandant : vous voulez voir Lisa ? Nous passons par une boutique ou nous payons notre droit d'entree au village : un dollar par personne, puis nous rencontrons Lisa, tres sympatique avec laquelle nous convenons du rendez-vous pour le lendemain matin : elle passera nous prendre avec la lancha de la communaute a huit heures. Puis notre guide nous fait visiter le village. En fait, sur cet ilot minuscule cohabitent deux villages : Mamartupu et Urgandi ou nous avons debarque. Celui-ci a trois mille habitants, l'autre huit cents. les maisons tres serrees sont des huttes devant lesquelles nous avons l'impression de croiser toute la population. Il faut dire qu'aujourd'hui, c'est la fete de la puberte et Lisa nous a prevenus : ce soir tout le monde sera ivre. Dans une salle tres sombre les femmes pres de l'entree et a l'exterieur, les hommes au fond ont deja bien commence a boire. Presque toutes les femmes portent le costume Kuna, tres colore, avec des robes decorees de mollas, des jambieres en perles, un anneau d'or dans la cloison nasale et un trait noir au milieu du front et du nez. Beaucoup d'enfants que souvent on nous presente en nous demandant nos noms. Nous sommes frappes par le nombre d'albinos que nous croisons. Nous voyons l'ecole, le restaurant, constructions en dur, La maison du congresso ou se reunissent les chefs, le futur centre de sante dont les moellons en tas attendent sans doute la fin de la fete. Ina nous presente sa maison et sa grand'mere. Quelques jeunes jouent au football sur une placette, d'autres ecoutent de la musique sur un poste de radio. Nous remarquons de nombreux panneaux solaires dans les allees du village et des conduites d'eau douce qui desservent les maisons. Nous voudrions acheter du pain, mais il n'y en a plus et a cette heure, le boulanger a d'autres soucis... Malheureusement si on nous montre tout, nous serions meme acceptes a participer a la fete, nous ne sommes pas autorises a faire des photos. A la tombee de la nuit, Ina nous reconduit vers notre annexe et nous rentrons au bateau tres marques par ce que nous avons vu.

Vendredi matin Lisa arrive un peu en avance avec le jeune pilote de la lancha de la communaute. Nous partons jusqu'a l'embouchure de la riviere rio Sidra. Sur la cote a cet endroit, il n'y a aucune construction. Nous empruntons un sentier bien trace qui penetre tout de suite dans la foret. Nous remarquons des ananas au bord du chemin, trop petits mais de tres belles couleurs. Bien sur il y a des bananiers, des manguiers, des fruits de la passion, et aussi des araignees et des fourmis en grand nombre. Pas d'autres animaux, a l'exception de quelques tres beaux papillons dont plusieurs Morphos bleus et des perroquets que nous entendons mais ne les voyons pas. apres un bon quart d'heure de marche, nous arrivons aux cimetieres, celui de la communaute et deux autres qui sont prives. Les tombes ne se distinuent que par un petit tas de terre allonge sur lequel il y a parfois des fleurs artificielles des coupes contenant des graines de chocolat pour attirer les bons esprits, et toujours une petite "croix de protection" qui n'est pas un symbole chretien nous dit Lisa, mais qui protege des mauvais esprits qui rodent en particulier au dessus des tombes des morts par accident, parce qu'ils sont morts trop jeunes. Les tombes sont abritees sous des toits generalement de palmes a la facon traditionnelle, quelquefois de toles ondulees ou de fibrociment, ce que Lisa regrette. Pres des tombes, des restes de foyers car on vient manger pres des morts. Puis nous marchons encore une heure et demie, en franchissant plusieurs fois la riviere a gue pour arriver a une cascade dans laquelle nos guides sautent apres y avoir lance la petite chienne de Lisa. Seul Jean-Claude relevera le defi. Nous nous baignons avec bonheur dans cette eau douce, puis notre guide nous propose un choix : redescendre par la foret ou par le rio ? Nous choisissons le rio pour ne pas rentrer par le meme itineraire. Nous voici partis. D'abord je glisse sur un rocher et je tombe. Une grosse bosse a l'occiput, je suis un peu sonne. Puis nous arrivons a une cascade qu'il faut franchir en canyionisme. Je bois la tasse dans l'eau pleine de bulles qui ne porte pas et je recupere de justesse mes lunettes. Plusieurs cascades se succedent que nous franchissons avec des fortunes diverses, surtout moi car Jean-Claude et Christine ont fait beaucoup de canyonisme en France et ma sirene nage comme... une sirene. A la dernere, je ne retrouve plus dans ma poche mon appareil photo etanche. Je crois bien qu'il est perdu malgre les plongees de nos guides kunas, lorsque Michele l'apercoit au fond de l'eau. Il est intact. Le chemin du retour nous semble un peu long et nous revenons au bateau a deux heures, fatigues et l'estomac dans les talons, mais ravis de notre excursion. Je precise toutefois que je ne recommencerais pas ! En fin d'apres-midi, nous retournons au village que Jean-Claude et Christine n'ont pas vu, mais la fete est finie, le temps est tres couvert et je trouve un air de tristesse aux allees et aux habitants.

Il nous reste a ramener nos amis a Lemmon's Cay d'ou une lancha puis un taxi collectif leur permettrons de rejoindre Panama et reprendre l'avion pour Madrid et Lyon Saint-Exupery. Dimanche matin , nous nous retrouvons seuls dans un bateau tout a coup devenu plus grand.